Les IA génératives vont-elles décérébrer les humains ? s’interroge l’éditorialiste du JdA ?
Numérique. Les Intelligences artificielles génératives telles que ChatGPT sont-elles une menace pour le savoir ? Ce débat est vieux comme le mythe de Theuth. Dans le Phèdre de Platon, Socrate rapporte ce mythe devenu aujourd’hui très célèbre sur les conséquences néfastes de l’écriture sur la mémoire. Un dieu dénommé Theuth vint un jour voir le roi égyptien Thamous pour lui vanter les mérites d’une nouvelle science, l’écriture. Ce à quoi Thamous répondit : « L’écriture ne peut produire dans les âmes que l’oubli de ce qu’elles savent en leur faisant négliger la mémoire. » Depuis cette menace, beaucoup d’eau du Nil s’est déversée dans la Méditerranée et l’on constate l’inverse. L’écriture, puis l’imprimerie, la diffusion en masse des livres, la radio, la télévision, l’informatique, Wikipédia, Google… toutes ces nouvelles technologies et services ont permis à l’homme de disposer de plus en plus facilement et immédiatement d’un savoir universel sans que l’on puisse vraiment affirmer qu’ils ont amoindri les capacités cognitives des humains. Leur invention même est la preuve du contraire.
Mais avec les IA génératives, on entre dans une autre dimension. Il ne s’agit plus de mettre « l’information au bout des doigts » mais de produire de l’information. ChatGPT peut créer un rapport, un article, un devoir, une note à partir de simples instructions en s’appuyant sur une source précise ou le web en général. La grande force de l’outil est qu’il rédige des textes sans fautes d’orthographes ou grammaticales, dans un style lisse, simple et direct, donnant ainsi l’illusion d’une expression réfléchie. Aujourd’hui c’est souvent superficiel mais nul doute que les prochaines versions du logiciel sauront de mieux en mieux élaborer une argumentation complexe. Est-ce à dire que leurs utilisateurs vont se décérébrer à mesure que l’outil se perfectionne ? Non car dans le même temps les lecteurs ou examinateurs seront plus attentifs à la qualité du fond élevant d’autant le niveau d’exigence.
En tout cas cette technologie est largement sortie des laboratoires. Une enquête menée par le développeur de logiciel antiplagiat Compilatio montre qu’il y a un an 55 % des étudiants français utilisaient déjà un outil d’IA générative. Plus récemment, un sondage de l’ADAGP et la SGDL relevait que 41 % de leurs adhérents ont eu recours à l’outil. Jamais à notre connaissance une nouvelle technologie n’a été aussi rapidement adoptée, ce qui ne veut pas dire qu’elle est assimilée.
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L’IA et le mythe de Theuth
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°640 du 4 octobre 2024, avec le titre suivant : L’IA et le mythe de Theuth