États-Unis - Intelligence artificielle (IA)

La justice américaine considère qu’une création par IA n’est pas une œuvre de l’esprit

Par Louise Wagon · lejournaldesarts.fr

Le 28 août 2023 - 506 mots

WASHINGTON D.C. / ÉTATS-UNIS

Un juge fédéral confirme la décision du Bureau américain des droits d’auteur de ne pas enregistrer une œuvre d’IA. 

A Recent Entrance to Paradise, image numérique créée par DABUS, une intelligence artificielle conçue par Steven Thaler © Imagination engine inc.
A Recent Entrance to Paradise, image numérique créée par DABUS, une intelligence artificielle conçue par Steven Thaler.
© Imagination engine inc

Pour revendiquer la protection du droit d’auteur, l’auteur d’une création doit-il être humain ? Confirmant la jurisprudence, un tribunal fédéral de première instance a statué que les œuvres créées par l’intelligence artificielle (IA) ne sont pas éligibles à la protection du droit d’auteur lorsque l’algorithme a agi sans intervention humaine. 

L’affaire opposait l’informaticien Stephen Thaler et le Bureau américain des droits d’auteur (USCO) – l’agence fédérale responsable de l’enregistrement et de la gestion des droits d’auteur aux États-Unis. En 2018, l’USCO avait refusé d’enregistrer une image générée par une IA nommée Dabus, conçue par Stephen Thaler. Ce dernier présentait l’œuvre, intitulée A Recent Entrance to Paradise (Une entrée récente au paradis), comme une « création autonome de Dabus » : aucune contribution humaine n’avait pesé sur le résultat final. 

Dans une lettre datant de mars 2020, l’USCO expliquait qu’une œuvre générée par l’IA n’avait pas la paternité humaine nécessaire pour prétendre à une protection par le droit d’auteur. Le tribunal a soutenu cette position, affirmant que la loi sur le droit d’auteur de 1976 exige un « créateur ayant la capacité de travailler sur le plan intellectuel, créatif ou artistique ». Le juge a rappelé que la loi américaine n’a jamais « protégé des œuvres générées par des technologies nouvelles opérant sans tutelle d’une main humaine »

Il convient toutefois de noter que ce jugement ne concerne que les œuvres d’art créées par une IA sans intervention humaine. Lorsque l’IA est utilisée comme un outil d’assistance au processus créatif, il est possible dans certaines conditions d’obtenir des droits d’auteur, selon un avis (non contraignant) publié en mars 2023 par l’USCO. Le Bureau des droits d’auteur précise que les œuvres sur lesquelles l’IA aurait été utilisée « de façon suffisamment créative pour que le travail produit constitue une œuvre originale de l’auteur » peuvent être couvertes, au cas par cas. 

Si l’arsenal juridique américain ne protège pas le produit des IA génératives, il est possible qu’il évolue dans les années à venir pour protéger les créations humaines contre une utilisation abusive des IA. Depuis plusieurs mois, des scénaristes et des acteurs du cinéma américain exigent des garanties pour protéger leurs œuvres et leurs métiers face aux entreprises qui développent des modèles d’IA génératives. En juillet dernier, le Gouvernement fédéral américain a signé un accord avec les sept plus grandes entreprises d’IA – Amazon, Anthropic, Google, Inflection, Meta, Microsoft et OpenAI – afin de faire face aux nombreux risques posés par cette nouvelle technologie. Un accord jugé insuffisant par de nombreux créateurs.

En France, le Code de la propriété intellectuelle dispose que seule une personne physique peut avoir la qualité d’auteur ou une personne morale pour une œuvre collective. Le Parlement européen a mis en chantier une première règlementation sur l’IA. Le texte européen cherche à établir un cadre juridique uniforme permettant l’innovation via l’IA, tout en garantissant la sécurité et les droits des utilisateurs. L’adoption est prévue pour fin 2023, début 2024, tandis que l’application pleine du texte est prévue pour 2026. 
 

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