Centre d'art

À Grenoble, le Magasin sort de sa dépression

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2022 - 779 mots

GRENOBLE

Le centre d’art rouvre, après plusieurs années de crise, sous la direction de Céline Kopp, avec une équipe renouvelée et le soutien de ses différentes tutelles.

Le Magasin de Grenoble. © Le Magasin, centre national d'art contemporain, 2022
Le Magasin de Grenoble.
© Le Magasin, centre national d'art contemporain, 2022

Grenoble. « Réouverture du Magasin à Grenoble, hier soir. Un moment fort pour tous les centres d’art en France. L’ensemble des partenaires partagent la généreuse et belle énergie que Céline Kopp a su insuffler. » Le commentaire enthousiaste posté sur son compte Instagram par François Quintin, délégué adjoint aux arts visuels à la direction générale de la Création artistique, témoigne de l’inquiétude qu’avait suscité le lent délitement du Centre national d’art contemporain de Grenoble. Voilà en effet des années que le lieu était en proie à de violents tiraillements. En 2015, son directeur, Yves Aupetitallot, en poste depuis vingt ans, avait été licencié sur fond de crise interne et de grève des salariés. Béatrice Josse lui avait succédé en 2016, pour un exercice marqué par des différends avec ses tutelles, une baisse importante des subventions et une réorientation radicale de la programmation. Elle avait démissionné en mars 2021, après plusieurs mois d’arrêt maladie. Le centre était, quant à lui, fermé au public depuis 2020. C’est une longue période de tensions et d’indétermination qui semble enfin se terminer.

Une remise en état rapide
Céline Kopp. © J.C. Lett
Céline Kopp.
© J.C. Lett

La nouvelle responsable, Céline Kopp – ex-directrice du centre d’art Triangle-Astérides à Marseille – a officiellement pris la tête de l’établissement le 25 janvier 2022. Il s’est donc écoulé neuf mois seulement entre son arrivée et cette réouverture. Moins d’un an pour remettre l’équipe d’aplomb, effectuer les travaux de mise aux normes, décider de la programmation, donner de grandes orientations, cela paraît très peu. Mais la priorité était que le centre d’art fonctionne à nouveau. « En faisant acte de candidature, j’avais proposé de rouvrir le plus vite possible. Je pense qu’il y avait urgence à retrouver du sens pour les salariés, à remettre les artistes au cœur du projet et à accueillir des publics », explique-t-elle. « Malgré l’absence d’activité, le conseil d’administration n’avait procédé à aucun licenciement afin de signifier son ambition et son engagement vis-à-vis du Magasin », rappelle Céline Kopp. Il fallait cependant renforcer l’équipe, réduite à cinq personnes après plusieurs départs. Le recrutement d’un responsable du bâtiment, de deux assistantes “curatoriales” et de quatre agents d’accueil a ainsi permis de compléter les effectifs, soit aujourd’hui une douzaine de permanents. À la présidence du conseil d’administration, Anne-Marie Charbonneux, en conflit avec les précédentes directions, a cédé la place à Estelle Pagès (directrice de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon). L’entente semble pour l’heure régner entre la direction, l’équipe et les tutelles.

Le budget global, qui était passé à 764 000 euros en 2020, du fait des baisses de subventions de l’État et du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, a retrouvé son niveau de 2017, autour de 1,2 million d’euros (le financement de la Ville et du Département de l’Isère n’ayant par ailleurs jamais varié). Cela n’exclut pas, pour la suite, la recherche de nouveaux mécènes.

Une réfection des lieux plus moderne

Impossible de lancer un chantier important dans un laps de temps si court. La nouvelle directrice a donc privilégié une approche pragmatique afin de définir ce qui était nécessaire pour rouvrir le lieu. « Depuis sa création, en 1986, le monde a changé, les usages et les pratiques artistiques également », souligne-t-elle. C’est pourquoi elle a invité des artistes, des architectes, des graphistes et des designers à l’accompagner dans une réflexion sur la réfection du Magasin. La requalification d’une partie des espaces (un dixième environ de la surface totale) se traduit par le réaménagement de l’accueil, la réouverture de la librairie, la création d’une galerie destinée aux enfants, d’une salle polyvalente dévolue à la pratique artistique, et enfin d’une « project room ».

Le Magasin rouvre avec une exposition collective, « La position de l’amour », et une exposition personnelle de Binta Diaw, en partenariat avec l’École supérieure d’art et design Grenoble-Valence (ESAD), dont l’artiste est diplômée. Le lieu a également accueilli pendant quatre jours, le festival Les gestes de la recherche, également en partenariat avec l’ESAD, selon un principe de collaboration que sa directrice entend poursuivre, que ce soit avec des structures locales, nationales ou internationales. Ainsi de l’exposition itinérante de la Britannique Ufuoma Essi en partenariat avec la structure londonienne Gasworks et Te Uru Waitakere Contemporary Gallery à Auckland.

Il est encore trop tôt pour en savoir davantage sur la programmation 2023, en cours de validation, si ce n’est que le Magasin entend accueillir « une diversité de points de vue et d’esthétiques », affirme sa directrice, qui croit à la capacité d’un centre d’art à « fabriquer du commun dans un monde très fracturé ». Au-delà de la réouverture, l’enjeu selon elle est celui d’un « renouveau institutionnel qui nécessite une pensée collective ».

Magasin, Cnac,
8, esplanade Andry-Farcy, 38000 Grenoble.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°600 du 2 décembre 2022, avec le titre suivant : À Grenoble, le Magasin sort de sa dépression

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