GRENOBLE
Une directrice qui s’en va après un long arrêt maladie, une présidente sur le départ, des budgets en baisse, une équipe réduite, une programmation en berne, des bâtiments à rénover de fond en comble… Le Centre national d’art contemporain n’est plus que l’ombre de lui-même.
Grenoble. Réouverture ou non des lieux de culture, Le Magasin restera fermé en 2021 faute d’expositions. L’exposition « Marion Baruch », inaugurée le 17 octobre dernier pour fermer quelques jours plus tard, aura été la dernière programmée en ces lieux par Béatrice Josse. Le 1er mars, la directrice du Centre national d’art contemporain, après quinze mois d’absence pour cause de burn-out, a quitté ses fonctions, ainsi que quatre autres personnes de son équipe, après trois années de relations conflictuelles avec son conseil d’administration; celui-ci est composé des représentants des quatre partenaires publics du Magasin : État (direction générale de la Création artistique/Drac Auvergne-Rhône-Alpes), Région Auvergne-Rhône-Alpes, Département de l’Isère et Ville de Grenoble.
Quand, en mars 2016, la directrice du Frac [Fonds régional d’art contemporain] Lorraine est choisie pour succéder à Yves Aupetitallot, licencié en 2015, personne n’ignore la radicalité de son projet, en rupture totale avec le modèle développé jusque-là, sur le plan tant de la programmation que de la gouvernance du centre d’art, désormais pensée sans hiérarchie. Le Magasin devient « Le Magasin des horizons » tandis que l’École du Magasin, dont la vocation initiale était une formation professionnelle aux pratiques curatoriales, est repensée comme « plate-forme de réflexion et propositions transdisciplinaires » sous le titre les « Ateliers des horizons ». Une nouvelle équipe de dix personnes se substitue alors à l’ancienne.
Cinq ans plus tard, le Magasin se retrouve sans direction, avec seulement trois employées et un conseil d’administration réduit, présidé par Anne-Marie Charbonneaux. Au centre du litige qui oppose les représentants des tutelles à la directrice : une réduction du nombre d’expositions dans les murs ; des travaux sur le bâtiment réclamés par Béatrice Josse afin d’adapter les espaces à la présentation des œuvres comme aux rassemblements du public [ndlr, lors des débats et rencontres mêlant artistes, activistes et travailleurs sociaux].
La démission en mai 2020 de François Bordry, membre depuis une dizaine d’années du conseil d’administration du Magasin, a soldé à cet égard trois années de tension. Dans sa lettre de démission, le président de la Biennale de Lyon ne mâche pas ses mots à l’encontre de la croisade menée par une direction qui n’acceptait « aucun désaccord, aucune autorité ». Quelques mois auparavant, Patrick Bouchain et Antoine de Galbert, tous deux sollicités par Béatrice Josse pour siéger en tant que personnalités qualifiées au sein du conseil d’administration, avaient eux aussi démissionné, mais pour d’autres raisons. L’architecte, auteur de la réhabilitation du bâtiment en 1986, est parti devant la non-prise en compte par le conseil d’administration des conclusions de l’étude du lieu menée par les agences SILO + NA + Sébastien Enault et commanditée par Béatrice Josse afin d’établir un diagnostic et des scénarios de transformation du Magasin. Antoine de Galbert explique de son côté avoir eu la « sensation de ne servir à rien et d’être tombé dans quelque chose qui n’avait plus d’avenir face aux différends de la direction avec les élus sur les travaux à engager, aux baisses de subvention et à une programmation où il y avait de l’intelligence mais pas du populaire ». Précisons ici que le budget global est passé de 1,2 million d’euros en 2017 à 764 000 euros en 2020 en raison d’une baisse des subventions de l’État (passées de 500 000 à 380 000 €) et surtout de la Région (de 300 000 à 30 000 €), le financement de la Ville (206 000 €) et du Département (150 000 €) demeurant, eux, constants.
Ce n’est pas la première crise que traverse le Magasin depuis sa création en 1986 ni sa première fermeture. Mais elle est la plus importante dans la mesure où elle succède à une crise qui avait déjà mis à mal l’équipe et écorné la notoriété du lieu avant la nomination de Béatrice Josse.
Face à cette situation, se pose la question de l’avenir du Magasin. À l’issue du conseil d’administration qui s’est réuni le 5 mars, la Drac, la Région, le Département et la Ville, dans un communiqué commun, démentent la perspective d’une fermeture et soulignent leur volonté commune de le « préserver sur le site Bouchayer-Viallet [ndlr propriété de la Ville] ». Ils souhaitent « qu’une nouvelle direction puisse être choisie » et assurent « l’établissement de leur engagement financier à ses côtés ».
« Le bâtiment du Magasin étroitement lié à l’identité du centre d’art doit bénéficier d’aménagements très importants pour que les équipes et les artistes et le public, en particulier des groupes scolaires, soient accueillis dans de bonnes conditions, nous a confirmé Christopher Miles, directeur général de la Création artistique. L’État a toujours annoncé qu’il était prêt à s’engager dans un plan d’investissement aux côtés de la ville, qui est maître d’ouvrage, plan dont l’ampleur et le calendrier doivent être précisés. »
Ce n’est toutefois qu’au second semestre 2021 qu’un appel à candidature devrait être lancé, en raison des élections régionales et départementales de juin. Anne-Marie Charbonneaux souhaite quitter prochainement la présidence du conseil d’administration. « La priorité est de construire des bases saines pour qu’un nouveau projet artistique prenne sereinement sa place, a précisé Christophe Miles. L’objectif serait de prévoir un recrutement dans la perspective d’une reprise d’activité en 2022. »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Rien ne va plus au Magasin, le centre d’art de Grenoble
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°563 du 19 mars 2021, avec le titre suivant : Rien ne va plus au Magasin, le centre d’art de Grenoble