GRENOBLE
Des élèves occupent depuis sept semaines les locaux dénonçant un manque d’écoute. Ils veulent aussi des cours plus pratiques.
Depuis le 3 mai, les locaux de l’École supérieure d’art et de design (ESAD) de Grenoble sont partiellement occupés nuit et jour par une poignée d’élèves, tous niveaux d’études confondus, réunis en collectif étudiant sous le nom de Collectif collectif (Coco). La raison de cette occupation ? Selon ces étudiants, une dégradation générale du climat et des conditions de travail au sein de l’établissement depuis maintenant plusieurs années.
Le mécontentement est monté d’un cran après que les représentants étudiants, conviés au premier comité technique destiné à préparer la campagne de travaux dont l’école doit faire prochainement l’objet pendant deux ans, ont découvert que les discussions quant à son contenu avaient déjà été entamées entre la direction de l’établissement et la métropole grenobloise - propriétaire des locaux - il y plusieurs mois sans qu’ils n’y participent.
« Nous déplorons de la part de l’équipe de direction un profond manque d’écoute et de consultation des étudiants quant à leurs besoins », explique au Journal des Arts une élève-occupante de 4e année, qui souhaite rester anonyme. L’étudiante dénonce également un « délaissement » d’une partie du corps enseignement envers les élèves avec « un manque de suivi pédagogique », avant d’évoquer « des cas de harcèlement, de sexisme, de racisme et d’homophobie ».
Le « Coco » a formulé une liste de revendications, disponible sur le compte Instagram du collectif étudiant, à l’attention de l’équipe dirigeante de l’ESAD Grenoble dans lequel il exige, entre autres, « une réelle consultation active et urgente concernant les futurs travaux », « la mise en place d’un réel échange avec les élus de chaque promotion lors de chaque prise de décision », « des cours de technique, de pratique et de théorie pour tous » ou encore « un remboursement et une exonération immédiate des frais d’inscription pour les étudiants boursiers ».
L’occupation se concentre en deux endroits de l’établissement : la galerie d’exposition qui constitue « une vitrine pour l’école », et la cafétéria « régulièrement fermée depuis des années sous n’importe quel prétexte ». Le mouvement est aussi l’occasion, affirme l’étudiante, de « reprendre notre outil de travail, de redonner vie à notre école dont nous avons été privés pendant plusieurs mois du fait de la crise sanitaire ».
Une direction à l’écoute
Amel Nafti, directrice générale de l’ESAD et co-présidente depuis mai dernier de l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdÉA), voit dans cette manifestation « l’attachement des étudiants envers leur école et leur volonté de voir les choses évoluer ».
Nommée en octobre 2018 pour un mandat de trois ans, Amel Nafti affirme « prendre au sérieux chaque sujet et vouloir les traiter collectivement, en y associant les équipes pédagogiques, afin d’apporter des solutions durables », et ajoute « avoir répondu à la plupart des revendications qui étaient en [son] pouvoir ».
Ainsi pour remédier au manque d’écoute, la directrice de l’ESAD compte sur la réintroduction, à la rentrée prochaine, des agoras - des espaces de discussion où les étudiants décident des sujets à aborder, avec une répartition égalitaire du temps de parole entre eux et la direction - dont la tenue avait été mise à mal par la crise sanitaire et l’enseignement à distance. Ces temps feront désormais l’objet « d’une inscription dans les emplois du temps », précise-t-elle, avec la volonté d’y faire participer un maximum de personnes.
La direction souhaite par ailleurs faire droit à la demande croissante des élèves de bénéficier de cours davantage axés sur l’apprentissage de techniques et de pratiques artistiques. Elle s’emploie ainsi à trouver, dans le programme pédagogique, le juste équilibre entre « la formation intellectuelle, activiste qui fait la spécificité du site de Grenoble et l’apprentissage du dessin, de la peinture, de la sculpture ou de l’installation ».
Concernant les accusations susceptibles de relever du code pénal, Amel Nafti rappelle « avoir mené déjà quatre enquêtes pour des faits d’agressions sexuelles ou de viols dont deux signalements à la police », avant d’ajouter « avoir toujours traité tout ce qui nous a été remonté sous [sa] direction » soulignant la mise en place prochainement d’une nouvelle formation sur les discriminations sexuelles, d’une cellule d’écoute ou encore d’une charte contre les discriminations et les asymétries de pouvoir. Si la directrice n’ignore pas l’existence de problèmes avec certains enseignants, elle ne peut agir « en l’état actuel, en l’absence d’éléments concrets » mais que, dans le cas contraire, « bien sûr nous le ferons ».
Après sept semaines d’occupation et plusieurs rencontres entre les deux parties lors d’assemblées générales, la direction de l’école dit avoir remis aux occupants - le 7 juin - un document récapitulatif comprenant « toutes les réponses à l’ensemble des questions soulevées ainsi que les propositions des professeurs pour modifier la pédagogie actuelle », avant une prochaine discussion le 11 juin. Si l’équipe dirigeante mise sur une sortie de crise d’ici la fin semaine, le collectif étudiant prévient : « nous attendons des réponses concrètes à nos revendications, sans quoi nous ne bougerons pas ».
L’école supérieure d’art et de design de Grenoble Valence est issue de la fusion en 2011 des écoles supérieures d’art de Grenoble (dans le département de l’Isère) et de Valence (dans la Drôme). Les deux établissements accueillent au total près de 300 étudiants, dont 130 sur le site de Grenoble. L’école était classée 8e dans le Palmarès des écoles d’art du Journal des Arts
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’école supérieure d’art de Grenoble occupée par des étudiants
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €