À côté des grandes institutions nationales dont l’avenir se révèle incertain, Bruxelles est riche d’une centaine de musées. Ceux-ci, de structures très diverses (fédérale, communale, communautaire, régionale ou privée), couvrent des domaines qui vont de l’automobile à la bière en passant par la numismatique, la médecine, la mine, le jouet, sans oublier le whitloof et autres chicons .
Bruxelles regroupe les dernières institutions culturelles demeurées nationales, dont les Musées royaux des beaux-arts, les Musées royaux d’art et d’histoire, le Musée instrumental, le Musée de l’Afrique Centrale et le Musée des sciences naturelles, l’Institut royal du patrimoine artistique – pour les établissements à vocation scientifique –, le Théâtre royal de la monnaie et le Palais des beaux-arts – pour ceux à vocation artistique.
Si elles constituent le moteur de la vie culturelle bruxelloise, leur statut reste cependant précaire, et l’avenir, placé sous le signe de l’austérité fédérale, s’esquisse sous des ciels troublés. La perte du statut national, réclamée par une partie du personnel politique flamand, et le passage éventuel sous la tutelle de la Région pourraient se révéler hasardeux. Qu’adviendra-t-il alors de ces établissements dont le budget annuel s’élève à 2,8 milliards de francs belges, dont 550 millions pour les Musées royaux des beaux-arts et pour ceux d’art et d’histoire ?
Cette précarité vient se greffer sur des difficultés internes qui menacent de faillite certaines de ces institutions, devenues lourdes et inamovibles. Alors que le Palais des beaux-arts affiche une relative santé financière, il n’en va pas de même pour nombre de ses sociétés affiliées. Celles-ci créent l’activité au sein du Palais qui, sans elles, resterait une coquille vide. La Fondation Europalia, victime de ses choix politiques avec la Turquie, a placé son personnel sous préavis de licenciement. Aujourd’hui, un projet alternatif a été monté alors que le festival Turquie est lui-même remis sur les rails. Avec "Horta et le Palais des beaux-arts", qui s’ouvrira en octobre prochain, l’ensemble de l’institution profitera de cette plongée dans son propre passé pour penser autrement l’avenir.
Si la Société philharmonique a retrouvé l’adhésion du public grâce à la politique efficace de son directeur Paul Dujardin, la Société des expositions n’est hélas pas dans la même situation. Ses expositions rencontrent de moins en moins de succès, et le déficit budgétaire qui se creuse risque de mener à la faillite une institution dont l’histoire a fait les beaux jours du Palais. Les conséquences s’en font sentir au-delà même de l’établissement. Traditionnel fer de lance de la création contemporaine dans l’immédiat après-guerre, les activités de la Société des expositions ne constituent plus des points de référence. Désormais, les grandes expositions ne passent plus par le Palais des beaux-arts. La stratégie adoptée relève d’intérêts personnels et ne tient aucunement compte du public.
Aux Musées royaux des beaux-arts – où le personnel est passé en moins de dix ans de 186 à 86 employés –, les activités se maintiennent, même si les options apparaissent parfois étroites. D’ici à l’an 2000, seront organisées des rétrospectives Delvaux, Magritte et Ensor. La prudence budgétaire et le climat de récession ont conduit le conservateur en chef, Eliane De Wilde, à ne plus programmer qu’une seule exposition par an. Autrement dit, le musée a totalement renoncé à la promotion d’un patrimoine qu’il a pour mission d’étudier et de valoriser, mais également à la possibilité de faire naître ces débats qui favoriseraient l’émulation de la vie culturelle bruxelloise.
Création d’un Conseil des musées
Aux Musées royaux d’art et d’histoire – vaste complexe qui regroupe au Cinquantenaire, et dans six lieux différents de la capitale, des collections allant de la sculpture égyptienne aux arts décoratifs du siècle dernier, en passant par la dentelle, les retables du XVIe siècle, la céramique de Tournai et les attelages anciens –, le désir salutaire de rénover l’image de l’institution et le pari (gagné) d’y attirer un public croissant ont entraîné la direction dans une spirale d’investissements qui ramène l’autonomie de gestion à une frénésie de marketing. Plus de cinquante nouvelles salles se sont ouvertes à un rythme soutenu sans que leur accès public ne soit réellement assuré, faute de gardiens.
Alors que l’image de capitale européenne impose de nouveaux critères, les musées traversent dans leur ensemble un crise aussi bien économique que structurelle, comme en témoigne la création récente d’un Conseil bruxellois des musées présidé par Guido Vanderhulst, l’actuel directeur du Musée d’histoire sociale et industrielle de la Région bruxelloise, plus connu sous le nom de "La Fonderie". Cette association regroupe à ce jour quelque 58 institutions d’importance variable et entend coordonner l’action des musées – fédéraux, communaux, régionaux ou privés – sur le territoire de Bruxelles. L’initiative relève dans un premier temps de la nécessité d’organiser le réseau des musées bruxellois à l’intention des habitants et des touristes, toujours plus nombreux dans la capitale de l’Europe. L’accent est ainsi placé sur la coordination des actions de promotion, mais également sur la mise en place d’une politique de contacts et d’échanges qui, à terme, devrait imposer ce Conseil des musées comme l’interlocuteur privilégié du monde politique.
Celui-ci, sous la houlette du ministre régional de la Culture, Didier Gosuin, multiplie les initiatives pour dynamiser les musées bruxellois et favoriser l’esprit de réseau qui devra être instauré afin de répondre au pari que constitue "Bruxelles 2000, capitale européenne de la Culture".
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Des musées à réinventer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : Des musées à réinventer