PARIS
L’échéance fixée par Emmanuel Macron est tenable sous réserve de parvenir à mobiliser des bras qui sont aujourd’hui en nombre limité.
Paris.« Cette cathédrale, nous la rebâtirons », déclarait le président de la République, alors que les flammes dévoraient encore Notre-Dame. L’incendie d’un monument emblématique appelle presque toujours la promesse immédiate de la remise en état des lieux de la part des pouvoirs publics. Une manière de rassurer l’opinion et d’éteindre la polémique naissante sur les causes du sinistre en fixant un cap pour l’avenir. Mais plus qu’un cap, Emmanuel Macron a aussi prescrit une date de fin de chantier dès le lendemain du drame : « Je veux que ce soit achevé d’ici cinq années.»
Cette échéance qui coïncide avec l’ouverture des Jeux olympiques de Paris en 2024 a fait l’objet de nombreuses critiques pour avoir été fixée avant qu’un quelconque diagnostic du bâtiment n’ait été réalisé. Le corps des architectes en chef des Monuments historiques (ACMH), chargé d’assurer la maîtrise d’œuvre des travaux sur les monuments classés appartenant à l’État, veut cependant y croire : « C’est un délai court, mais tenable si l’organisation est excellente », selon Charlotte Hubert, présidente de la compagnie des ACMH. Ou si l’organisation est militaire… tel est le message envoyé par le chef de l’État lorsqu’il a missionné spécialement un ex-chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin, afin de veiller à l’avancement des procédures et des travaux de Notre-Dame.
Une première phase de sécurisation du bâtiment a été menée tambour battant sous la direction de Philippe Villeneuve, ACMH en charge de la cathédrale depuis 2013. Les étapes préalables au chantier (renforcement des étais, diagnostic précis des désordres du bâtiment, pose d’un gigantesque parapluie pour protéger le monument des intempéries…) et celles concernant le gros œuvre seront nombreuses, incompressibles, soumises à de multiples imprévus, mais pourront, pour certaines, « être menées en parallèle les unes des autres », assure Charlotte Hubert. « Il faudrait faire appel à plusieurs entreprises sur les mêmes marchés afin de mobiliser plus de personnel en même temps sur le chantier », explique Frédéric Létoffé, président du Groupement des entreprises de restauration des Monuments historiques.
Si les travaux estimés à plusieurs centaines de millions d’euros ne seront pas contraints d’être étalés dans le temps en raison de limites financières, (les dépenses à venir du chantier sont d’ores et déjà largement couvertes par l’exceptionnelle mobilisation des donateurs, lire page 5), on peut craindre qu’il soit compliqué de rassembler à Notre-Dame autant de professionnels compétents sans mettre en difficulté d’autres chantiers qui occuperont l’agenda patrimonial, tel celui, important, qui se prépare au château de Villers-Cotterêts. Les associations de professionnels du secteur ne le cachent pas : les bras pourront manquer. « Malgré les 160 formations qui dispensent un savoir-faire préservé, il y a une pénurie de jeunes qui s’orientent vers les métiers de tailleurs de pierre, de charpentiers ou de couvreurs », constate Frédéric Létoffé.
Lors d’une réunion avec les associations, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a affirmé une volonté politique d’inciter les jeunes à rejoindre ces filières. En faisant miroiter aux futurs apprentis de pouvoir participer à des chantiers-écoles à Notre-Dame, la démarche pourrait être couronnée de succès. Dans les années 1990, le Parlement de Bretagne dévoré par les flammes s’était relevé de ses cendres en cinq ans. En sera-t-il de même pour Notre-Dame ?
Les premiers partis pris de restauration
reconstruction. Restaurer les éléments endommagés (maçonneries, vitraux…) de la cathédrale constitue une large part des travaux qui seront effectués à Notre-Dame dont les parties basses ont largement résisté à l’incendie. Mais il s’agira aussi de reconstruire ce qui n’existe plus - mais dont on conserve des relevés anciens et contemporains très précis - sur les parties les plus hautes de l’édifice. La charpente médiévale a été intégralement dévorée par les flammes. Elle pourrait être reconstituée fidèlement au modèle original, en utilisant du bois de chêne dont la coupe s’effectue à l’automne et dont, selon les professionnels du secteur, les forêts ne manquent pas. Le bois étant inflammable, plus long à assembler et la charpente n’étant pas accessible au regard des visiteurs, il pourrait lui être préféré une structure métallique, en béton ou mixte. Si les choix concernant la charpente suscitent le débat, c’est la question de la reconstruction de la flèche élevée par Viollet-le-Duc au XIXe qui est la plus épineuse. Grâce aux relevés dont elle a fait l’objet et aux multiples témoins matériels qui ont survécu à sa chute, elle pourrait sans mal-être restituée à l’identique, choix permis par la charte de Venise qui interdit les reconstitutions conjecturales. La flèche étant un phare bien connu du paysage parisien, la rebâtir serait sans doute le choix le plus rassembleur (lire L’éditorial DE JACQUES ATTALI p. 39). Mais l’État a lancé un concours international d’architecture, envisageant qu’un geste contemporain puisse se substituer à l’œuvre de Viollet-le-Duc et marquer son époque. Les projets retenus seront soumis à l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, qui n’est que consultatif. Au final, c’est bien l’État qui tranchera.
Margot Boutges
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Reconstruire la cathédrale en cinq ans ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Reconstruire la cathédrale en cinq ans ?