PARIS
Malgré l’incendie qui a ravagé la charpente et la flèche de la cathédrale, les élévations et les trésors qu’elle abritait ont échappé au pire.
Paris.« Ça s’est joué à un quart d’heure, une demi-heure près. » Au lendemain du terrible incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, a confirmé ce que pressentaient les nombreux témoins de cet événement inouï : le sauvetage de la cathédrale s’est joué in extremis. Une poignée de minutes et l’acharnement de plus de quatre cents sapeurs-pompiers ont été décisifs pour éviter que ce fleuron de l’architecture gothique élevé au XIIe siècle ne s’effondre entièrement.
Même s’il est encore impossible de dresser un bilan définitif, les différentes informations recueillies sont plutôt rassurantes sur l’état de l’édifice et de ses collections. Ce monument emblématique de la capitale offre cependant un triste spectacle avec sa silhouette décapitée. Le feu s’étant déclenché au pied de la flèche, la structure conçue par Viollet-le-Duc au mitan du XIXe siècle a été la première victime des flammes et s’est écroulée du haut de ses 93 mètres, endommageant en partie la voûte. À la surprise générale, son coq reliquaire a en revanche été retrouvé indemne. Autre « miracle », les seize statues en cuivre placées sur le toit représentant les apôtres et les symboles des évangélistes ont échappé au brasier, car elles avaient été déposées quelques jours auparavant pour restauration. La grande victime est la mythique charpente longue de cent mètres, baptisée « la forêt » en raison de la quantité astronomique de chênes utilisés pour sa construction au XIIIe siècle. Adieu aussi le toit en plomb, qui a fondu dans cette fournaise atteignant les 800 degrés.
Les parties en élévation ont donc été relativement épargnées, notamment la façade principale avec ses deux célèbres tours qui sont la signature du bâtiment. Outre les beffrois, les superbes pignons nord et sud, surmontés de leurs célèbres rosaces de treize mètres de diamètre, ont réchappé des flammes. Les soldats du feu ont réussi à préserver ces joyaux en adaptant les moyens hydrauliques. « Des lances moins puissantes ont été utilisées sur les pignons pour ne pas fragiliser les vitraux », ont-ils expliqué lors du point presse organisé 48 heures après le sinistre. L’édifice demeure malgré tout sous haute surveillance, car en perdant son toit, il a de facto perdu en stabilité. Plusieurs opérations de consolidation ont dû être réalisées en urgence, notamment sur le pignon nord qui a été étayé et les beffrois qui sont maintenus par une structure métallique portée par une grue. « La surveillance et la consolidation prendront encore du temps », a confié au Journal des Arts un policier en faction devant l’édifice. « La voûte est par exemple menacée par l’eau, les gravats et le plomb fondu. Il faut donc retirer tous ces éléments qui la fragilisent et la bâcher. »
Le soulagement semble cependant de mise pour les nombreux chefs-d’œuvre qu’abrite la cathédrale et qui sortent majoritairement indemnes de ce cataclysme. Conformément au plan de sauvegarde, les pièces du trésor – dont le célèbre reliquaire de la couronne d’épines et la tunique de saint Louis – ont été sorties en urgence pendant l’incendie. Un temps, le doute planait sur les tableaux exposés dans la nef et les chapelles, qui n’ont pas pu être évacués avant plusieurs jours pour des raisons de sécurité. Les « Mays », ces célèbres grands formats des XVIIe et XVIIIe siècles commandés par la corporation des orfèvres aux artistes les plus en vue de l’époque comme Charles Le Brun et Laurent de La Hyre, ont été évacués et acheminés au Louvre. « Les œuvres sont arrivées dans un état assez rassurant », a confirmé le musée. « Elles n’ont pas été touchées par le feu et à première vue relativement épargnées par l’humidité. » Un miracle de plus.
unE nouvelle victime de la malédiction des chantiers accidentogènes
accident. À l’heure où nous mettons sous presse, les causes de l’incendie ne sont pas encore connues avec exactitude. L’enquête ouverte pour « destruction involontaire par incendie », confiée à la police judiciaire, s’annonce d’ailleurs longue, car les indices ont certainement été altérés par le feu et l’eau. Les enquêteurs, qui ont auditionné des agents de sécurité de l’édifice et des ouvriers actifs sur le chantier de restauration de la flèche, qui se déroulait au moment du sinistre, semblent pour l’instant privilégier la piste d’un accident lié au chantier. Plusieurs éléments pourraient avoir déclenché le feu tel un court-circuit ou un point chaud lié à une soudure, comme cela s’est hélas déjà produit à de nombreuses reprises. Plusieurs joyaux patrimoniaux sont ainsi partis en fumée à cause d’accidents de ce type. Rien qu’en 2013, l’hôtel de Ville de La Rochelle et l’hôtel Lambert à Paris avaient subi des incendies dramatiques au cours d’un chantier de restauration. La même année, le quadrilatère Richelieu avait échappé de justesse au pire grâce à la réactivité des pompiers présents en permanence sur le site.
Isabelle Manca
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Notre-Dame, une survivante encore fragile
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°522 du 26 avril 2019, avec le titre suivant : Notre-Dame, une survivante encore fragile