NANCY
Alors qu’une association a validé le projet, deux collectifs de défense du patrimoine ont déposé des recours gracieux.
Cela fait maintenant plus de dix ans que le projet d’extension du Musée Lorrain à Nancy se heurte à l’opposition des défenseurs du patrimoine. La voie semblait pourtant s’être récemment dégagée : le quatrième appel d’offres, lancé en juin 2023, s’est avéré fructueux et l’Association pour le patrimoine et le rayonnement de Nancy, un des principaux opposants, avait annoncé en janvier ne plus faire de recours et valider la nouvelle version du projet. C’était sans compter sur deux autres associations, qui viennent chacune de déposer un recours gracieux auprès du maire de Nancy et de la préfète de la Région contre l’autorisation de travaux et le permis de construire. Le premier recours est à l’initiative de l’association Défense et avenir du patrimoine nancéien, tandis que le deuxième a été effectué presque en même temps par l’association nationale Sites & Monuments.
Si les associations ne remettent pas en cause le bien-fondé de ce projet d’extension, elles en critiquent en revanche le contenu. Lorsqu’il avait dévoilé la dernière version du projet en 2021, le nouveau maire Mathieu Klein l’avait qualifiée de « plus sobre, plus apaisée » mais pour l’association Défense et avenir du patrimoine nancéien, cette mouture n’est en réalité pas réellement différente de la précédente.
Le conflit se cristallise autour des bâtiments dits « de fond de cour », situés face au Palais ducal (le bâtiment principal du musée) : une écurie du XVIIIe siècle et une ancienne gendarmerie du XIXe siècle, toutes deux adossées au mur de Baligand, construit par l’ingénieur du duc Stanislas Leszczynski au milieu du XVIIIe siècle. Il s’agit de construire à cet emplacement en nouveau bâtiment en verre sérigraphié de trente-cinq mètres de long. Pour ce faire, la municipalité compte raser complètement l’ancienne gendarmerie et déconstruire puis remonter le mur de Baligand et la petite écurie, laquelle sera alors dotée d’un sas d’entrée et de fenêtres en verre sérigraphié. Ces bâtiments sont pourtant classés monuments historiques, mais les révisions du Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du site – réalisées par la municipalité en 2019 puis en 2022 – ont diminué leur protection.
Pour les défenseurs du patrimoine, le projet enfreint toujours le règlement du PSMV. Le Plan révisé autorise les constructions nouvelles à condition qu’elles s’harmonisent avec celles déjà existantes, or la galerie en verre ne remplit pas ce critère. « Que ce soit la couverture, la couleur, le rythme des volumes, l’échelle, l’ornementation, il n’y a rien qui s’harmonise avec le tissu urbain historique », déclare Christian Raczkevi, le président de l’association Défense et avenir du Patrimoine nancéien, à l’Est républicain.
Les associations s’inquiètent également de l’ampleur des travaux prévus en sous-sol. Si la dernière mouture abandonne le projet d’amphithéâtre souterrain, il est toujours prévu de creuser sous le jardin pour aménager de nouveaux espaces destinés à accueillir les expositions temporaires et ateliers pédagogiques, au risque d’affecter les fondations du Palais ducal.
Elles s’alarment aussi du coût du projet, passé de 43 millions d’euros en 2021 à 56,5 millions d’euros. Un tel investissement financier se fait au détriment d’autres opérations patrimoniales, comme la restauration impérative de l’hémicycle de la Carrière.
Pour réduire le budget et empêcher la dégradation du site, l’association Défense et avenir du patrimoine nancéien préconise d’abandonner le projet d’édifice en verre pour se concentrer sur les bâtiments existants et créer un ensemble esthétiquement plus harmonieux, en transformant notamment le Palais du Gouvernement mitoyen en espace muséal. L’édifice du XVIIIe siècle – qui avait déjà accueilli deux expositions – serait ainsi toujours accessible au public, alors qu’on projette aujourd’hui d’y installer un restaurant de luxe privé. Cette solution permettrait également une réouverture anticipée du musée, qui est pour l’instant fixée à 2029. « Le fait d’échelonner les travaux en plusieurs phases serait une bien meilleure option, puisqu’elle permettrait d’ouvrir partiellement le musée au public » ajoute Henri Vallas, membre de l’association interrogé par Le Journal des Arts. « C’est d’autant plus envisageable que les collections du Musée Lorrain sont en quelque sorte divisées en deux sections, l’une étant consacrée à l’histoire de la Lorraine et l’autre, exposée dans l’ancien couvent des Cordeliers, dédiée aux arts et traditions populaires ».
Si les recours déposés sont pour l’instant gracieux, l’association Défense et avenir du patrimoine nancéien indique être prête à défendre ses arguments devant le tribunal administratif si ses recours ne sont pas pris en compte.
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Musée Lorrain, qu’est-ce qui gêne les associations patrimoniales ?
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