Spécialiste du dessin français et grand donateur des musées nationaux, le nouveau président veut diversifier les recettes de la première société d’amis en Europe.
Pourquoi ne nous recevez-vous pas dans votre bureau, au département des Arts graphiques du Louvre ?
Parce que je ne l’ai plus ! J’y ai été chargé de mission pendant quarante ans, mais lors de mon élection en juin dernier, il m’a semblé plus sage de me consacrer exclusivement à mes nouvelles fonctions, qui me prennent d’ailleurs tout mon temps. Heureusement, lorsque Marc Fumaroli a fait le choix de ne pas se représenter, mon dernier volume, – Le Dessin français au XVIIIe siècle , éditions Somogy– était achevé. Il vient de paraître.
Est-ce que l’on aurait pu vous accuser en effet de favoriser les arts graphiques ?
Je ne le crois pas. Le conseil de la Société des amis du Louvre est organisé de manière collégiale et donne voix au chapitre à tous les départements du Louvre. La première acquisition de ma présidence a d’ailleurs été en faveur du département des Antiquités grecques et romaines !
Après l’acquisition par la Société des amis du Louvre de deux feuilles du baron Gros, Bucéphale dompté par Alexandre pour 360 000 euros (hors frais) et La Reddition d’Ulm pour 40 000 euros (hors frais) préemptés lors de la vente Delestre, des voix se sont élevées pour dire que vous auriez volontairement joué un rôle sur la cote de Gros pour valoriser vos propres feuilles.
Mais je n’en ai plus ! J’ai donné les miennes au Musée du Louvre en 1995 sous réserve d’usufruit. Il ne me reste qu’une petite étude pour Les Pestiférés de Jaffa. Le conseil des Amis du Louvre s’est montré très enthousiaste – plus que je me m’y attendais, je dois dire. Nous avions voté pour les deux feuilles une somme de 400 000 euros (hors frais), exactement le prix auquel Xavier Salmon les a préemptées. Je me doutais du prix conséquent que ferait le premier dessin, une icône du Romantisme français, mais peut-être pas autant. Pour le deuxième, nous avons été chanceux.
Vous avez récemment parlé de la nécessaire « indépendance dans l’interdépendance » de la Société des amis du Louvre. Qu’entendez-vous par là ?
Nous sommes les compagnons de route d’un établissement d’État. Notre capacité à être utile au musée suppose que nous valorisions notre identité auprès du grand public. Nous sommes très attachés par exemple à acheter l’intégralité d’un objet plutôt que de donner 10 ou 20 % du prix d’un tableau ou d’une sculpture. Par ailleurs, notre Société maintient au Louvre un accueil sur mesure qui s’adresse au public de proximité, essentiellement francilien. Ce rôle fait de nous un lien privilégié entre le Louvre et les familles. Nous avons ainsi développé en partenariat avec le musée un abonnement spécifique pour les enfants à partir de 4 ans et nous publions chaque trimestre un magazine d’initiation aux chefs-d’œuvre du Louvre : Le Petit Ami du Louvre.
Quelles sont les modifications récentes des missions et activités des Amis ?
En vingt ans, Marc Fumaroli a fait largement évoluer nos missions, notamment en réponse aux nouveaux besoins du musée. Outre l’aménagement des salles (nous venons de financer les derniers travaux de la salle du duc de Chevreuse dans le département des Objets d’art), nous œuvrons beaucoup pour diffuser la connaissance des collections auprès des publics – notre mécénat en faveur de la revue Grande Galerie et bientôt en faveur de son nouveau supplément annuel voulu par Jean-Luc Martinez, à partir de mai, consacré à l’actualité de la recherche scientifique conduite au sein du musée, sont des exemples. Autre détail inédit, dans le cadre d’un mécénat de 600 000 euros sur cinq ans que nous venons de débloquer pour les fouilles du Louvre à Gabies, nous proposerons bientôt des voyages archéologiques sur le site pour nos membres de moins de 26 ans, mais aussi sur d’autres sites autour de Rome, comme Cerveteri.
Quels sont les grands défis que vous vous êtes fixés pour les années à venir ?
Je voudrais arriver à susciter un peu plus de mécénat individuel, sous la forme soit de donations, soit de contributions pour des acquisitions importantes. Je crois beaucoup au contact personnel, je prends mon bâton de pèlerin et nous verrons bien. Nous avons dans le conseil des personnalités extrêmement généreuses : Michel David-Weill bien sûr, grand mécène des nouvelles salles des Objets d’art du XVIIIe siècle ; Marc Ladreit de Lacharrière, qui vient de donner sa collection d’art africain au Musée du quai Branly, soutien actif des Antiquités grecques et romaines ; ou encore Lionel Sauvage à qui l’on doit le financement du récent ouvrage de Marie-Catherine Sahut sur la coupole de Callet.
Justement, combien existe-t-il en France de collections formées pour entrer un jour au Louvre ?
Je vois où vous voulez en venir. Dans la mesure où mon épouse, Véronique, et moi, nous n’avons pas d’enfants, notre collection est véritablement pensée pour le Louvre – elle est d’ailleurs la première en mains privées à avoir été présentée au musée en 1995. Nous avons fait des dons réguliers – plus d’une trentaine je crois – et j’ai donné par exemple une aquarelle de Delacroix lorsque j’ai été élu à la présidence des Amis du Louvre. Beaucoup de nos dessins sont en liens avec des tableaux du Louvre ou d’Orsay. Je viens d’ailleurs d’acheter un Chassériau préparatoire pour Les Danseuses mauresques. Mais c’est aussi un problème pour nous de diviser notre collection entre les deux musées, même s’il n’existe pas encore physiquement de département des Arts graphiques à Orsay.
Comment allez-vous fêter les 120 ans des Amis du Louvre ?
Outre les deux feuilles de Gros, nous venons d’acquérir une Tête de Pompée (1,2 million d’euros) et un tableau de Gioacchino Assereto (570 000 euros). Après le succès du Concert des Arts florissants en l’honneur de la restauration de la Victoire de Samothrace l’année dernière, nous allons organiser en septembre un grand concert dans la Cour Marly pour célébrer la musique française de la fin du XIXe siècle, contemporaine de la création de notre Société.
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Louis-Antoine Prat : « Je voudrais susciter plus de mécénat individuel »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : Louis-Antoine Prat : « Je voudrais susciter plus de mécénat individuel »