PARIS
Cet ensemble de dessins permet d’explorer trois siècles d’histoire de l’art français. Grâce à son intelligente médiation, la leçon est à la portée de tous les visiteurs.
Paris. En plus de quarante ans, Louis-Antoine Prat, historien de l’art, et Véronique Prat, journaliste, ont construit une remarquable collection de dessins. Dans une vidéo montrée au Petit Palais, on voit Louis-Antoine Prat dans son bureau, entouré de ces feuilles encadrées couvrant tous les murs qui ne sont pas occupés par des bibliothèques. Il raconte comment le choix du couple s’est porté sur ce qu’il connaissait « le moins mal, c’est-à-dire l’école française entre Callot et Cézanne, entre 1600 et 1900 ». Le collectionneur précise que leurs préférences vont aux dessins préparatoires liés à des tableaux importants et aux croquis jetés sur le papier au gré de l’inspiration, sans qu’ils correspondent à une idée préconçue.
Sous le commissariat de Pierre Rosenberg et Christophe Leribault, la scénographie d’Alain Batifoulier et Simon de Tovar se divise en plusieurs espaces consacrés chacun à une période différente, rappelant leur répartition dans trois des pièces de l’appartement des collectionneurs. Au centre, une enfilade de pupitres met en valeur une œuvre emblématique pour chaque salle, de Pluton enlevant Proserpine de Poussin à l’Étude pour le Christ jardinier de Manet, alors que Tête suspendue par une chaîne d’Odilon Redon clôt le parcours. Sur les 220 dessins de la collection, on peut en admirer 184 dont certains n’ont jamais été présentés.
La médiation est exemplaire, dans la droite ligne des engagements de Louis-Antoine Prat et de Pierre Rosenberg en faveur de l’enseignement de l’histoire de l’art. Chaque feuille est assortie d’un commentaire et, pour les nombreuses à être dans ce cas, de la reproduction du tableau qu’elle prépare.
Ainsi accompagné, le visiteur apprend beaucoup sur l’histoire de l’art français, l’iconographie et les caractéristiques de chacun des 107 artistes. Mais c’est par le catalogue, une somme d’érudition à l’ancienne, et à la lecture de l’entretien croisé entre Louis-Antoine Prat et Pierre Rosenberg qu’il peut vraiment approcher ce qu’est l’esprit d’un amateur et la manière dont il construit sa collection.
Élégance suprême, la générosité des Prat n’apparaît, dans les cartels et le catalogue, que dans la mention des donations sous réserve d’usufruit accordées au Louvre à l’occasion de l’exposition de la collection qui s’y était tenue en 1995 et, cette année, au Petit Palais -Musée des beaux-arts de la Ville de Paris. Le couple a décidé de lui offrir une aquarelle d’Eugène Isabey, La Reine Victoria reçoit Louis Philippe à bord de son yacht royal au Tréport (1843), ainsi que l’Étude pour l’Éclairage de Luc Olivier Merson (1846-1920).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°549 du 3 juillet 2020, avec le titre suivant : Le cours magistral de la collection Prat