Espagne - Art contemporain

XXE SIÈCLE / EXPOLOGIE

À Barcelone, Botero en maître du passé

La rétrospective de Fernando Botero au Palau Martorell fait plutôt l’effet d’une fête mortuaire.

Barcelone. « La plus grande rétrospective jamais organisée en Espagne et la première exposition d’envergure dédiée à Fernando Botero [1932-2023]à Barcelone », annonce le livret d’exposition. Avec plus de 110 œuvres rassemblées provenant de diverses collections privées, l’ampleur de « Fernando Botero. Un maître universel » est, en effet, aussi gargantuesque que le sont ses personnages.

D’entrée, une question : comment organiser un tel ensemble d’œuvres au style inchangé au fil des années ? Le choix de les ranger par thématique plutôt que chronologiquement est astucieux. C’est ainsi que la première salle oppose dans un face-à-face les thèmes de la religion et de la Colombie, le pays natal de Botero. Au centre, un court film où le peintre, sa fille, ses proches et divers experts discourent sur la nature exceptionnelle de l’œuvre du peintre. Loin d’être une explication analytique du travail de Botero, la vidéo a plutôt des airs d’éloge funèbre pour celui qui est décédé en septembre 2023.

Les deux commissaires de l’exposition ne sont autres que Lina Botero, la fille du peintre, et Cristina Carrillo, biographe et experte de l’œuvre. Toutes deux ont voulu rendre un hommage émouvant à l’artiste récemment disparu : en résulte involontairement un mémorial. Cette atmosphère pesante est confirmée par les choix esthétiques de l’accrochage. Les tableaux, tous pourtant si colorés – c’est, au moins autant que les personnages, la marque de fabrique de Botero – se heurtent aux murs vert canard d’un académisme déprimant. Une couleur terne qui s’explique cependant par la nature du musée. Le Palau Martorell est un palais richement décoré de moulures et de dorures dont, sans doute, l’utilisation à nu aurait juré avec les très fournis tableaux de Botero.

Présenté sur trois étages, l’accrochage est aéré mais très sombre. Cet éclairage minimaliste ne rend pas justice à la gaieté qui émane habituellement des toiles de Botero. Au premier étage, la deuxième partie de l’exposition abrite la salle la plus intéressante, celle des copies. Les peintures emblématiques du maître sont de la partie, dont deux récemment retrouvées dans des collections privées : Les Ménines (1978) et Hommage à Mantegna (1958). Mais il manque tout de même – et c’est bien dommage pour une rétrospective – quelques pièces phares que sont Mona Lisa à l’âge de douze ans (1977), les « hommages à Bonnard » ou La Mandolina (1957), véritable matrice du boterisme.

À la suite, un espace sur les natures mortes apporte un vent de fraîcheur après les centaines de mêmes visages ronds. Puis, une salle présentant les différentes techniques (aquarelle, pastel) permet de mieux comprendre l’esquisse boterienne. Un apport bienvenu, car mis à part des vidéos-hommages dans chaque section, les cartels sont inexistants.

Au sous-sol, encore moins de lumière. La section consacrée aux sculptures est décevante : aucune des œuvres monumentales typiques de Botero n’a fait le voyage jusqu’à Barcelone. Seuls quelques petits oiseaux de bronze mettent un peu de relief visuel. Dans cet espace, les commissaires semblent avoir jeté le reste des thèmes qu’elles avaient sous la main sans vraiment de cohérence : le cirque, les dessins, et Abou Ghraib. Mais la série sur les tortures d’Afghanistan bénéficie cette fois d’une projection assez instructive qui donne un peu de profondeur à cette exposition, jusqu’ici seulement « jolie ».

En guise d’au revoir, le maître réserve une dernière surprise : une salle dénommée « Botero Infini ». Dans ce petit appendice tout tapissé de miroirs dans lequel le spectateur pénètre, des vidéos des peintures animées se succèdent, le tout accompagné d’une musique guillerette. La joie de Botero se cachait donc là. On aurait aimé qu’il ne faille pas la forcer à coups de banjo entêtant et d’effets visuels scintillants.

Fernando Botero, un maître universel,
jusqu’au 20 juillet, Palau Martorel, Carrer Ample, 11, Barcelone.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : À Barcelone, Botero en maître du passé

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