À Anvers, l’installation immersive de l’artiste belge se déploie tel un parcours onirique dans un temps suspendu.

© Adagp Paris 2025
Anvers. C’est presque sur la pointe des pieds qu’on entre dans « Le voyage nocturne » d’Hans Op de Beeck au Musée royal des beaux-arts d’Anvers. D’une pénombre crépusculaire émergent ses sculptures hyperréalistes qui ont en commun une matière d’un gris pâle et doux. Le visiteur est invité à suivre un parcours comme s’il traversait un parc enchanté. Des cailloux délimitent le chemin, les murs sont tapissés de bosquets de bambou. Pour sa première grande exposition monographique dans une institution muséale en Belgique, Hans Op de Beeck propose, plutôt qu’une rétrospective, une grande installation qui déploie 40 œuvres aptes à dialoguer entre elles. Parmi celles-ci, un quart sont nouvelles. Tout est fait pour immerger le spectateur dans cet ensemble. Il n’y a pas de cartels pour identifier individuellement les œuvres (un carnet du visiteur est disponible à l’entrée). L’artiste a aussi participé à la composition de la bande sonore dont les nappes instrumentales de piano, saxophone et cordes s’effacent et se fondent les unes dans les autres.

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Si Hans Op de Beeck se refuse à s’avancer trop loin dans l’interprétation de son travail ou l’exposé de ses intentions, il revendique une quête de la beauté, ce qui n’est pas fréquent chez les artistes contemporains et qui explique aussi l’attrait de son travail pour un large public. C’est une beauté mélancolique et consolatrice où l’enfance et la mort se côtoient harmonieusement. Une beauté qui s’attache à ces moments de la vie où le temps semble se suspendre, comme avec cette fillette qui souffle une bulle de savon (Tatiana (Soap Bubble), 2017) ou cette danseuse de samba épuisée qui s’assied pour griller une cigarette (Dancer, 2019).
Né en 1969, Hans Op de Beeck a toujours été un artiste de « l’immersif », que ce soit dans ses premiers films vidéo, dans ses grandes aquarelles peintes de nuit ou avec les sculptures qui semblent être un fragment de quelque chose de plus grand. Il a aussi créé des décors, costumes et scénographies pour le théâtre et l’opéra. Malgré les apparences, ce n’est pas un artiste hyperréaliste, car la « fidélité au réel » n’est qu’un moyen, pas un objectif. Un moyen pour mener le spectateur ailleurs, dans une fiction, peut-être dans des souvenirs. D’ailleurs l’artiste se joue du réel en agrandissant ou en miniaturisant certaines scènes ou objets dans une logique proche de celle du rêve.

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L’exposition « Silence et résonance », présentée au Musée de Flandre à Cassel (Nord) en 2023, mettait en évidence les liens entre le travail de l’artiste belge et l’histoire de l’art. On trouve dans son œuvre des résonances et évocations de la nature morte du XVIIIe siècle (Vanitas XL, 2021) du romantisme (The Cliff, 2019), du naturalisme (The Three Sisters, 2020) ou du surréalisme (Happy Birthday, 2020). Dans une série de tableaux en trompe-l’œil et bas relief, il rend hommage à la peinture du XXe siècle. (Modernistic Wall Piece, 2025)
Le parcours s’achève sur un film de la série « Staging Silence ». Un théâtre d’objets en noir et blanc où deux mains anonymes construisent et déconstruisent des paysages et des intérieurs énigmatiques et déserts à partir d’objets et de matériaux banals. Une autre manière de chercher la beauté dans le quotidien et d’ouvrir la porte au rêve.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°653 du 11 avril 2025, avec le titre suivant : Dans le rêve de Hans Op de Beeck