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MONDE [25.08.16] – Si les conservateurs français ne sont qu’une faible minorité à choisir de s’expatrier, leur nombre a singulièrement augmenté depuis quelques mois, avec un fort tropisme pour l’Amérique. Portrait de 10 d’entre eux.
La plupart des conservateurs français en poste à l’étranger sont installés en Amérique, comme le soulignait déjà L'OEIL en 2013 dans un article intitulé « Le rêve américain des conservateurs français ». A cette date, le nombre de Français au sein de musées étrangers était même nul hors du nouveau continent, à l’exception de l’Angleterre. Si des conservateurs français ont depuis lors été nommés dans quelques autres pays d’Europe, un fort tropisme américain demeure.
Parmi les conservateurs français installés en Amérique, Jean-Patrice Marandel, conservateur en chef du Los Angeles County Museum of Art (LACMA) depuis dix ans et détenteur de la double nationalité franco-américaine, fait figure de pionnier. En 1968, après avoir bénéficié d’une bourse Focillon grâce à André Chastel, il décide de demeurer aux Etats-Unis, dont la « jeunesse », selon ses termes, séduit le Français de vingt-trois ans. Il débute sa carrière comme conservateur en chef du musée de Providence, avant de passer par Chicago puis Detroit, où il demeure treize ans à la tête du département européen de l’Institute of Arts. Il rejoint le LACMA en 1993 en tant que conservateur du département de peintures et de sculptures européennes.
Au Québec, Nathalie Bondil œuvre depuis 1999 au Musée des beaux-arts de Montréal. Recrutée par Guy Cogeval alors que celui-ci était à la tête de l’institution québécoise, elle lui succède en 2007 comme directrice et conservatrice en chef – Renouvelée dans ses fonctions en 2011 pour cinq ans, Nathalie Bondil est à l’origine d’un remarquable essor du musée, premier au Québec en nombre de visiteurs annuels (plus d’un million).
Egalement en Amérique, Anne-Lise Desmas est depuis 2008 conservateur adjoint pour la sculpture et les arts décoratifs au J. Paul Getty Museum. Vivre et travailler à l’étranger lui est familier depuis son séjour romain en tant que pensionnaire à la Villa Médicis, expliquait-elle en 2013 à L'OEIL.
Quentin Bajac, ancien directeur du département de photographie du centre Pompidou, assure depuis 2013 les mêmes fonctions au MoMA de New York. Son département de photographie, créé en 1940, est le premier jamais ouvert par un musée. Avant Quentin Bajac, seuls quatre directeurs s’y sont succédé ; c’est donc une consécration pour ce spécialiste de la photographie du XIXe et du début du XXe siècle, dont une exposition consacrée au daguerréotype avait déjà été présentée outre-Atlantique, au Metropolitan Museum de New York, en 2003.
Sylvie Patry, conservatrice du Musée d’Orsay depuis 2005, a rejoint en janvier 2016 la Barnes Foundation à Philadelphie, en tant que conservateur en chef et directrice adjointe. Cette spécialiste de la peinture impressionniste et postimpressionniste est à la tête de collections exceptionnelles, en particulier dans son domaine de prédilection, la Barnes Foundation comptant notamment un ensemble de 181 toiles de Renoir. Un poste en adéquation avec l’expérience acquise par la commissaire d’expositions telles que « Renoir au XXe siècle » et « Claude Monet, 1840-1926 » au Grand Palais en 2009-2010 ou encore « Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme » au Musée du Luxembourg en 2014.
En janvier dernier également, Florence Derieux a quitté le Frac Champagne-Ardenne pour la Fondation Centre Pompidou de New York, où elle assurera les fonctions de conservateur des collections américaines.
Olivier Meslay, parti pour le Dallas Museum of Art (DMA) aux Etats-Unis en 2009, a tout juste été promu directeur du Clark Institute dans le Massachusetts, dont il a prendra la tête le 22 août. Cet ancien conservateur des peintures britanniques, américaines et espagnoles au Musée du Louvre, qui a supervisé consécutivement les projets du Louvre-Atlanta et du Louvre-Lens, est déjà fort d’une expérience de direction de musée : de 2011 à 2012, il a dirigé par intérim le DMA, dont il était conservateur du département d’art américain et européen. En outre, le Clark lui est déjà connu pour y avoir été pensionnaire en 2000.
Clément Chéroux, tout récemment nommé au MoMA de San Francisco, se prépare à suivre la même voie américaine que Quentin Bajac, son prédécesseur à la tête du département de photographie du Centre Pompidou. Docteur en histoire de l’art, Clément Chéroux est conservateur au Centre Pompidou depuis 2007 et directeur du cabinet de photographie depuis 2013. Il possède de longue date une expérience de travail à l’étranger : ancien visiting research fellow à l’université de Princeton et pensionnaire à l’Académie de France à Rome, il a été Guest Scholar du département de photographie du J. Paul Getty Museum pendant l’été 2015.
Hors d’Amérique
Plus rares sont les conservateurs français en Europe. Si jusqu’à l’année dernière, leur nombre était nul en dehors de l’Angleterre, un Français, Sylvain Bellenger, est désormais à la tête d’un musée italien, tandis qu’un autre, Xavier Dectot, dirige un département d’un musée écossais.
Sylvain Bellenger, 60 ans, a été promu en août 2015 à la tête du Musée Capodimonte à Naples, l’un des vingt « super-musées » italiens ayant changé de direction l’an passé. Cette nomination fait sens pour l’ancien professeur de philosophie, qui résolut de se consacrer à l’histoire de l’art lors d’une visite du Capodimonte en 1980. Conservateur aux Etats-Unis à l’Art Institute de Chicago puis au Cleveland Museum of Art de 1999 à 2005 et de 2012 à 2015, il avait été profondément déçu par son retour en France, entre deux postes américains. Selon lui, loin de mettre à profit son expérience, nombre de ses pairs avaient alors affiché une « hostilité ouverte » à son encontre, « comme s’il avait trahi ». De surcroît, Sylvain Bellenger regrettait d’avoir été « placé à l’Institut national d’histoire de l’art dans une voie de garage ». Le choix de travailler à l’étranger s’est définitivement imposé à lui : « Aux Etats-Unis, les conditions de travail et de recherche sont bien plus prodigieuses et stimulantes qu’en France », déclarait-il en 2013 au Journal des Arts.
Xavier Dectot, ancien conservateur au Musée du Moyen Age de Cluny, nommé directeur du Louvre-Lens en 2011 à seulement 38 ans, a pris en avril dernier la tête du département art et design du National Museum of Scotland à Edimbourg. « J’avais envie de partir et c’est une promotion que l’on ne refuse pas », déclarait-il au Journal des Arts début janvier, à l’annonce de sa nomination.
En regard de l’ample majorité de conservateurs français qui demeurent sur le sol national, comme le favorise le système traditionnel français, l’expatriation dans des musées étrangers demeure un phénomène marginal. Cependant, ce dernier connaît depuis plusieurs années, et plus encore depuis quelques mois, un essor certain, tant en nombre que dans l’espace : tandis que s’accélère le rythme des nominations de Français au sein voire à la tête de prestigieuses institutions internationales, le nombre de pays concernés augmente peu à peu. Hormis l’Amérique et l’Angleterre, d’autres pays d’Europe ont accueilli récemment des conservateurs français. Cependant, un réel système d’échanges entre musées européens est encore loin d’exister.
A quand une Europe des conservateurs ?
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Dix conservateurs français dans des musées étrangers
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Abonnez-vous dès 1 €Image de la Terre - Image OpenClipart-Vectors - 2013 - Licence CC0 Public Domain