Sylvie Patry, l’ancienne conservatrice du Musée d’Orsay qui a rejoint la Fondation Barnes, livre ses premières impressions.
Sylvie Patry a quitté fin 2015 le Musée d’Orsay, où elle était depuis dix ans conservatrice en chef. Elle occupe désormais la fonction de « deputy director for collections and exhibitions and Gund Family chief curator » à la Fondation Barnes, à Philadelphie, qui abrite la collection d’Albert Barnes (1872-1951), particulièrement remarquable pour ses Renoir, Cézanne, Van Gogh, Seurat, Matisse et Picasso.
Dans quelles circonstances avez-vous quitté le Musée d’Orsay ?
J’ai été contactée par le nouveau président de la Fondation Barnes, Thomas Collins. Moi qui pensais poursuivre ma carrière à Orsay, où la collection est inépuisable, j’ai commencé à réfléchir. Ça n’a pas été une décision facile à prendre. Mais j’avais déjà collaboré avec des musées américains et en 2014, j’avais suivi une formation aux États-Unis, au Center for Curatorial Leadership. J’avais donc à la fois des contacts et une ouverture.
Il s’est dit que la présidence de Guy Cogeval a pu inciter certains de ses collaborateurs à aller voir ailleurs. Est-ce votre cas ?
Partir aux États-Unis, ce n’est pas comme traverser la Seine. J’ai pris ma décision sur ce que j’estime être de bonnes raisons, c’est-à-dire en considérant essentiellement les possibilités offertes par ce nouveau poste.
Qu’est-ce qui a motivé votre envie de rejoindre la Fondation Barnes ?
La qualité de la collection. Et cette situation, unique, d’une collection majeure dans l’histoire de l’art, encore mal connue car longtemps reproduite uniquement en noir et blanc et difficile d’accès – du fait de la situation de la Fondation à Merion en banlieue de Philadelphie et de sa politique d’horaires. Le déménagement de 2012 a permis de rebattre complètement les cartes. La fondation a accueilli plus d’un million de visiteurs depuis. C’est donc à la fois une institution relativement ancienne, mais jeune et en plein renouvellement. C’est un moment clef.
Quelle est votre mission ?
Je suis en charge de la programmation des expositions et de la recherche sur les collections, ainsi que des publications. À travers les expositions temporaires, mais aussi les publications et les conférences, il s’agit d’ouvrir la Fondation et d’inciter ses visiteurs à revenir. Il faut que le public prenne le chemin de la Barnes pour ses collections, mais également pour les expositions et les programmes.
Les dispositions testamentaires interdisent de toucher à l’accrochage de la collection ou de prêter des œuvres ; votre marge de manœuvre est-elle réduite ?
Nous voulons raconter des histoires autour de la collection, à travers des expositions « dossiers » sur certains de ses chefs-d’œuvre. J’espère initier des rapprochements qui donneront envie aux institutions de prêter, encouragées également par le caractère unique de ce lieu et de cette collection. Je souhaite aussi inviter des artistes contemporains. J’aimerais que ces invitations éclairent certains aspects du collectionneur Barnes, comme le fait qu’il ait été un des premiers à présenter un masque africain aux côtés de peintures européennes.
La majorité des musées américains fonctionne sur des fonds privés ; est-ce le cas de la Fondation Barnes ?
En effet, nos ressources proviennent de la billetterie, des ventes de la boutique et du mécénat de particuliers ou d’entreprises. Cela change la façon de penser un projet, car dès le début on se pose la question de son financement ; très vite on est en contact avec des interlocuteurs qui ne sont pas nos collègues et qu’il faut convaincre.
Après Olivier Meslay, conservateur en chef au Dallas Museum of art et Quentin Bajac, responsable du département de la photographie au MoMA à New York, vous êtes la troisième Française recrutée pour un poste à responsabilités aux États-Unis. Est-ce plus facile de quitter la France que d’y venir ?
Nous sommes en effet trois conservateurs des musées nationaux à avoir été nommés outre-Atlantique, ce type de parcours reste donc assez atypique. Mais a contrario, je ne crois pas qu’en France il y ait une hostilité de principe vis-à-vis des conservateurs étrangers. Disons que nous avons un système très spécifique par rapport à d’autres pays, puisque devenir conservateur en France exige de passer un concours. Les modalités de ce recrutement, très exigeantes, supposent aussi une parfaite maîtrise de la langue. Il faut peut-être ajouter que les salaires des conservateurs hexagonaux sont sans doute moins attractifs que dans d’autres pays.
Pourquoi êtes-vous à Paris en ce moment ?
Je suis en contact avec la Cinémathèque, car j’étudie la faisabilité d’une exposition sur le cinéaste Jean Renoir, dont la fondation possède une des plus importantes collections de céramiques. Après la mort de son père Pierre-Auguste Renoir, le peintre le plus représenté de la collection, Jean Renoir et Barnes ont beaucoup échangé. Cette histoire permet aussi de se pencher sur la question des rapports entre la peinture et le cinéma.
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Sylvie Patry : « un moment clef pour la collection Barnes »
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Abonnez-vous dès 1 €Sylvie Patry. © Photo : Keristin Gaber.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°456 du 29 avril 2016, avec le titre suivant : Sylvie Patry : « un moment clef pour la collection Barnes »