PARIS
Les sites patrimoniaux offrent des lieux de tournage recherchés par les professionnels du cinéma comme de la télé pour reconstituer une ambiance historique ou prestigieuse. Pour séduire les productions, chacun a ses spécificités, ses contraintes et surtout son prix.
Paris. Les châteaux proches de Paris, terre d’accueil pour les tournages ? La pratique est vieille comme le septième art. Mais depuis le milieu des années 2000 – et le succès du Marie-Antoinette de Sofia Coppola tourné en décors réels – elle n’a cessé de se développer. Il faut dire que la Région Île-de-France et l’État se sont engagés dans une vaste politique d’incitation à tourner sur le territoire français et dans ses monuments. Parmi les mesures d’encouragement les plus récentes, la hausse de différents crédits d’impôts relatifs à la création d’œuvres filmées en 2016 a entraîné une relocalisation significative des tournages de films et séries sur le sol hexagonal. Un avantage fiscal, dont peuvent notamment bénéficier les productions étrangères à condition qu’elles montrent à l’écran la culture ou le patrimoine français. C’est le cas de Befikre, première production « Bollywood » intégralement tournée en France en 2016, entre rues de Paris et château de l’Oise.
Qu’ils soient publics ou privés, les châteaux entendent bien profiter de cette large demande émanant du monde du cinéma et de la télévision. C’est pour eux un moyen d’augmenter leurs recettes, de gagner en visibilité, et de susciter la venue de nouveaux visiteurs. Sur les stands du Salon des tournages qui vient de fermer ses portes et qui met chaque année en relation les professionnels de l’écran et les établissements qui proposent leurs décors aux caméras, une quinzaine de châteaux présentaient leurs offres. Dans ce grand marché des lieux de tournage, les monuments ne partagent pas les mêmes atouts ni les mêmes contraintes.
Palais le plus célèbre du monde, Versailles dispose d’un décor reconnaissable entre tous, même pour un regard non aiguisé. Pour les fictions historiques situant précisément leur action au palais, tourner dans ces lieux est l’assurance de marquer les esprits comme l’a fait la série Versailles (diffusée entre 2015 et 2018), qui a investi la Cour d’honneur et la Grande galerie pour plusieurs scènes. Si la série de Canal+, au budget aussi royal que le titre, a pu se le permettre, cela peut s’avérer plus compliqué pour des petites productions. Tourner à Versailles a un prix dans la fourchette haute du marché : 15 000 euros pour une journée en intérieur et 10 000 euros en extérieur, auxquels s’ajoutent des frais de surveillance importants. « La sécurité des œuvres est notre priorité », martèle Jeanne Hollande, responsable des tournages. L’établissement public a son lot d’exigences : il est interdit d’y allumer des bougies pour reproduire un éclairage d’époque et les tournages dans le château sont limités aux jours de fermeture hebdomadaire, en raison de l’affluence des visiteurs quotidiens.
Il n’est ainsi pas surprenant que Versailles partage régulièrement l’affiche avec d’autres châteaux. Le château de Vaux-le-Vicomte est un de ceux qui dédoublent le plus souvent le palais du Roi-Soleil à l’écran. Pour avoir conservé son homogénéité décorative du XVIIe siècle, cette grande machine architecturale évoque même davantage Versailles au Grand Siècle que Versailles lui-même, ce qui explique que la série de Canal + s’y soit installée pendant neuf semaines. Ses tarifs sont en outre plus avantageux (5 000-6 000 euros) et ses créneaux de tournages plus modulables. En dépit de sa grande taille et de son importance historique, « Vaux-le-Vicomtereste un château privé », rappelle Valentin Petchnikow, chargé des tournages du site. Ce qui peut conférer au lieu plus de souplesse vis-à-vis de son image. Ainsi a-t-il accepté que les façades du château explosent (via des effets spéciaux) dans la comédie de Dany Boon Raid dingue (2016), ce que Versailles avait refusé.
La souplesse, voilà bien la qualité que peuvent revendiquer certains châteaux privés, plus modestes, pour attirer les tournages en leur sein. « S’adapter à la demande », telle est le credo du château de Courson qui fait l’objet de nombreuses privatisations pour des événements et tente aujourd’hui de percer sur le marché des lieux de tournages. « Nous cherchons à nous distinguer en acceptant des requêtes refusées ailleurs », explique Hugues-Vincent Marché, responsable technique du domaine. Pour ce château qui ne reçoit que 6 000 visiteurs annuels, les tournages (facturés de 2 000 à 6 000 euros la journée) participent à équilibrer les finances. Ainsi, pour les besoins de la comédie Le doudou (2017), le château a-t-il accepté qu’un grand trou soit creusé dans son parc et qu’une cinquantaine de chiens envahisse ses pelouses. Une souplesse qui peut avoir ses limites : Le château a récemment servi de toile de fond à une émission de télé-réalité souvent qualifiée de télé poubelle. Un choix qu’Hugues-Vincent Marché confie « regretter », « les allées et venues aléatoires des équipes ayant perturbé la logistique du lieu et pas nourri son image ».
Avec le temps, certains châteaux ont réussi à s’imposer comme des châteaux spécialisés dans l’accueil des tournages. C’est le cas du château de Groussay, dont la popularité auprès des professionnels du cinéma et de la télévision a de quoi faire des envieux (ses murs et ses jardins ont servi de décor aux séries Chefs, Quadras et aux émissions de M6 Le meilleur pâtissier). La recette n’est pas si simple : le château a adapté ses espaces, afin que puisse s’effectuer sur place la postproduction des images se taillant ainsi une réputation de studio alternatif.
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Comment les châteaux franciliens attirent les producteurs de cinéma
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°516 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Comment les châteaux franciliens attirent les producteurs de cinéma