La cité allemande veut construire un musée retraçant deux millénaires de son histoire, marquée par la présence d’une importante communauté juive. Les travaux attendent l’aval final des autorités pour démarrer.
Cologne - Depuis 2007, la place de l’hôtel de ville de Cologne (Allemagne) est le théâtre d’un impressionnant chantier de fouilles. Ainsi éventré, le quartier de la Rathausplatz (la place de la mairie) révèle à la soixantaine d’archéologues qui s’y affairent au quotidien deux mille ans d’histoire. C’est précisément sur cet emplacement que devrait démarrer, d’ici peu, l’édification d’un vaste musée destiné à restituer aux publics les fruits des recherches menées – plus de 250 000 objets et 120 000 animaux et végétaux ont été exhumés. La structure de 13 500 m2, dont 7 500 m2 de surface d’exposition, retracera l’histoire de la ville où vécut une importante communauté juive, installée depuis le IVe siècle jusqu’aux pogroms de 1096 et 1349 qui décimèrent la population.
Sous les pavés, d’exceptionnels vestiges
Détruit en 1943, le quartier de l’hôtel de ville avait fait l’objet d’une première série de fouilles dans les années 1950 dans le cadre de travaux de reconstruction. Les opérations avaient mis en évidence les fondations d’un prétoire romain et d’une synagogue avec un premier mikvé (bain rituel) datant du VIIIe siècle. De nouvelles opérations archéologiques avaient été organisées à la fin des années 1960, mais ce n’est qu’en 2000, dans le cadre d’un programme régional, que le projet de rendre les vestiges accessibles au public est devenu concret. Il a pris une nouvelle ampleur avec les découvertes fondamentales réalisées par les équipes de l’archéologue Sven Schütte (1). Ils ont mis au jour à l’automne 2012 un mikvé remontant au IVe siècle et d’autres éléments faisant du site de la Rathausplatz le plus ancien, le plus complet et le plus important ensemble de la communauté juive ashkénaze connu à ce jour. Au regard du caractère exceptionnel des découvertes, la ville a pris la décision d’ériger un nouvel établissement, La Zone archéologique/Musée Juif. Créée depuis 2006, l’institution gère déjà les monuments historiques du quartier accessibles aux visiteurs : les vestiges du palais du gouverneur romain sous l’hôtel de ville, le tunnel d’égout romain visible sur 150 mètres de long, ainsi que le mikvé du VIIIe siècle et les restes du quartier juif autour de la place de la mairie.
Les architectes lauréats, Wandel Hoefer Lorch Hirsch de Sarrebruck ont imaginé un complexe qui s’insère au mieux à l’environnement urbain. Ils ont prévu d’intégrer la zone archéologique au sein du musée – certains éléments historiques seront ainsi visibles depuis l’extérieur. Pour concevoir les espaces intérieurs, la ville a fait appel à la scénographe Adeline Rispal, grande habituée des musées d’Histoire – elle a travaillé notamment pour le Musée de l’Armée avant de se consacrer au Musée historique de Marseille et au Mucem. Ses astuces muséographiques vont permettre de tirer profit d’espaces parfois ardus à valoriser avec des projections interactives sur les murs souterrains de l’ancien palais romain. La scénographie de la Zone archéologique/Musée Juif s’organise en quatre grandes sections : le palais du gouverneur romain et le siège des rois francs, l’Hôtel de ville médiéval, l’histoire de la communauté ashkénaze, et une dernière partie consacrée à ce lieu qui fut un prestigieux quartier d’orfèvres au Moyen Âge ainsi qu’à la zone urbaine moderne avec, notamment, les traces de la Seconde Guerre mondiale.
Un projet historique sous influences
L’ensemble du budget s’élève à 52 millions d’euros ; 38 millions apportés par la ville de Cologne et 14 millions par l’État de Rhénanie du Nord-Westphalie. Les fouilles se poursuivront pour trois ans encore, mais tout a été pensé pour que les travaux puissent démarrer dès aujourd’hui. Pour l’heure, le projet attend un dernier feu vert des autorités pour démarrer… Comme l’explique Sven Schüte, « Sans se déclarer publiquement, certaines vieilles familles très influentes et agressives, à qui la presse locale est acquise, font courir des bruits. Ils travaillent dans l’ombre et crient au gaspillage, expliquant qu’il vaudrait mieux consacrer l’argent à des affaires sociales, alors qu’il s’agit de deux budgets distincts qui n’ont rien à voir. Le blocage est en réalité d’ordre idéologique ». Certains esprits douteraient-ils encore de la nécessité d’édifier un grand musée d’Histoire ? « Il ne s’agit pas d’un nouveau mémorial ou d’un musée communautaire, mais d’un musée historique international qui présente les Juifs comme partie intégrante de l’histoire de la société », tranche Sven Schüte. En juillet 2011, le maire (social-démocrate) a adopté le projet suivi, en novembre 2011, par l’État de Rhénanie du Nord-Westphalie. La majorité politique mais aussi une grande partie de la population soutiennent ce musée dont les travaux pourraient démarrer tout de suite pour une livraison, fin 2016-début 2017.
(1) Lire aussi : Paul Salmona et Laurence Sigal (sous la dir. de), L’archéologie du judaïsme en France et en Europe, 2011, éd. Inrap/La Découverte, 358 p., 25 €.
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Cologne face à l’Histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Le chantier archéologique de la place de l'Hôtel de ville, Cologne. © Photo : Bader und Team.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°386 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Cologne face à l’Histoire