Adeline Rispal, architecte, directrice de l’agence Repérages Architectures, à qui l’on doit l’Historial de Péronne (Somme), le Musée d’histoire de la Ville de Luxembourg et les nouveaux espaces du département moderne du Musée de l’armée, à Paris
Quelles sont, selon vous, les clefs de la réussite d’un musée consacré à l’histoire de France ?
L’idée me paraît très intéressante. Le regard sur l’Histoire est un regard d’aujourd’hui sur le passé, et ce regard change tous les jours. L’Histoire est un organisme vivant, il faudrait donc un musée en perpétuelle évolution. Un parcours permanent synthétique qui donne les grandes clefs de compréhension de l’histoire de France et qui l’inscrive, dès le départ, dans une histoire européenne. Les expositions temporaires permettraient ensuite de développer des thèmes et de rendre le lieu dynamique. Doter le musée d’un comité scientifique international me semble indispensable. Une grande nation regarde son histoire avec des historiens du monde entier. C’est le choix qu’avait fait dès le départ l’Historial de Péronne. Sur le territoire de la Somme, trente-six nations se sont battues, d’où l’idée d’avoir un regard international sur l’Histoire et de créer un centre de recherche avec des historiens du monde entier (notamment allemands, anglais et français). Le public pourrait disposer d’un lieu de référence qui redonnerait une place majeure à l’Histoire. Cela n’implique pas forcément un très gros projet. Il faut des salles très bien équipées, car, dans les musées d’histoire, on mélange divers types d’objets, lesquels requièrent chacun des conditions de conservation particulières. La structure doit permettre une flexibilité permanente. Et surtout, le musée doit se doter d’une très bonne équipe scientifique.
Quel rapport un musée d’histoire entretient-il avec les objets ?
Je n’imagine pas un musée sans collections, avec simplement des « gris-gris informatiques ». L’objet crédibilise le propos historique. Certes l’objet doit avant tout servir le propos scientifique, mais il ne faut pas nier son impact sur les visiteurs. L’objet a une charge émotionnelle qui transmet la mémoire de génération en génération. Les visiteurs viennent voir des collections ; ils ont besoin de cet ancrage dans la vérité. Pour avoir travaillé sur l’Historial de Péronne ou le Musée de l’armée, à Paris, je me suis rendu compte combien les objets de guerre sont puissants. Les visiteurs sentent qu’ils ont côtoyé la mort. Il faut faire attention à laisser parler les objets, ne pas s’interposer entre eux et les visiteurs. La technique et les gadgets multimédias doivent être au service du propos, non l’inverse. Les historiens doivent donner corps aux collections, et le musée pourra ensuite travailler à des échanges, des dépôts et des prêts avec d’autres institutions.
Certains universitaires redoutent une instrumentalisation de l’Histoire, qu’en pensez-vous ?
Je ne connais pas de musée qui ne risque pas l’instrumentalisation. Les bonnes idées acquièrent une autonomie et développent leurs propres anticorps contre ce type de dérive. Nous avons, en France, les historiens qu’il faut pour que cela n’arrive pas. Faire un musée idéologique ne servira personne.
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Adeline Rispal, architecte, directrice de l’agence Repérages Architectures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°316 du 8 janvier 2010, avec le titre suivant : Adeline Rispal, architecte, directrice de l’agence Repérages Architectures