PARIS
Après deux ans de travaux et une fermeture de sept mois, l’atelier du sculpteur a été rétabli dans son jus tandis que le parcours permanent est rénové.
Paris. Introduit par une dizaine de mains crispées, étirées, gonflées, éclatées, le nouveau parcours permanent du Musée Bourdelle offre une entrée en matière frappante. Ces études pour le personnage central du monument aux morts de la guerre de 1870 – commandé à Antoine Bourdelle (1861-1929) par sa ville natale, Montauban – ouvrent une fenêtre sur le travail de recherche du sculpteur et ses tâtonnements pour obtenir le résultat final : une paume massive et organique d’où partent cinq doigts épais. Un peu moins « musée » et beaucoup plus « atelier », le lieu rénové retrouve « ce côté laboratoire qui n’était plus présenté dans le parcours permanent », précise Valérie Montalbetti-Kervella, responsable des sculptures et des collections.
Dans la « salle de création », ce parti pris se décline en plusieurs outils de médiations innovants. Sur une table centrale, la Vierge à l’offrande est présentée dans ses différentes étapes de création, du modèle en terre au bronze coulé, expliquant de manière claire et imagée le processus. Une œuvre « à écouter » – que l’on s’imagine grâce à une description d’abord lue avant de la découvrir avec les yeux – et un bronze à éclairer – où le visiteur peut jouer avec des jeux de lumières – invitent à un rapport actif et multisensoriel avec les sculptures. Souvent présente dans les musées de sculpteur, cette partie technique est ici approfondie par une présentation des différents métiers dans l’atelier : « Aujourd’hui, les musées parlent de technique, mais peu de métiers », souligne Ophélie Ferlier-Bouat, directrice des lieux. Praticien, mouleur, metteur aux points et modèle sont ainsi mis à l’honneur dans les dispositifs de médiation.
L’atelier de l’artiste contigu a fait l’objet de lourds travaux. Pourtant, « l’illusion est parfaite, on a l’impression que rien ne s’est passé », se félicite Martin Dior, chef du projet pour Paris Musées. L’intégralité du sol a été décaissée afin de stabiliser, par des injections, les carrières situées au-dessous, et glisser des semelles sous les fondations pour les renforcer. La structure très légère du bâti, rongée par l’humidité, a été consolidée par de la résine et des poteaux métalliques, et le changement de système de traitement de l’air a permis de débarrasser les lieux d’une gaine qui troublait cet espace resté tel quel depuis la mort d’Antoine Bourdelle.
Sanctuarisé par sa veuve, Cléopâtre, l’atelier propose aujourd’hui au visiteur une proximité avec les pierres et les plâtres réinstallés : « On fait confiance au public », indique la responsable des sculptures. Les bronzes, eux, ont été retirés de l’atelier car, du vivant du sculpteur, ils étaient entreposés dans la fonderie. La restauration des œuvres et des meubles de l’atelier a fait l’objet d’un travail fin, a minima, redonnant une lisibilité aux pièces tout en préservant la sensation de vécu chère à Bourdelle : « Le meuble […] est dans son automne, il ne faut pas souffler dessus », disait-il de la petite armoire qui jouxte l’entrée.
Le thème de la création irrigue le parcours permanent. À coté de l’atelier, une petite coursive vitrée présente une galerie de bustes sur lesquels le sculpteur travaillait l’expressivité du cri. Puis sont exposées des œuvres de deux élèves du sculpteur : Germaine Richier – qui disait avoir tout appris de Bourdelle – et d’Alberto Giacometti – qui prétendait ne rien lui devoir.
Avec ses nuances de gris, le parcours permanent apparaît comme totalement renouvelé aux nombreux fidèles du musée, tout en restant étrangement familier. Débarrassées de l’ambiance white cube, qui précédemment ne rendait pas justice aux plâtres et aux bronzes, les nouvelles salles réutilisent l’ensemble du mobilier présent dans l’ancien parcours. Un travail de recyclage mené par les architectes Dominique Brard et Sandra Courtine, qui utilisent les supports de la scénographie comme un vocabulaire à décliner d’une salle à l’autre, répond à l’impératif écologique, mais aussi économique : « Nous avons travaillé avec un petit budget, très économe. Il fallait produire une nouvelle image, retrouver une identité pour chaque salle, même si c’était avec les mêmes outils », explique Dominique Brard. Sellettes, cimaises, vitrines sont agencées pour donner une impression de variété au cours de l’exposition. Dans chaque salle, l’un de ces éléments prend le pas sur les autres par un usage singulier : la dernière salle propose ainsi un jeu sur la vitrine, qui devient l’équivalent pour la sculpture du cadre pour la peinture. Jusqu’à en retirer les vitres, et ne laisser plus que les montants.
Pour un investissement de 5 millions d’euros, et sept mois de fermeture seulement, le Musée Bourdelle s’offre une identité renouvelée et un parcours permanent attrayant. Un grand chantier des collections a également accompagné cette rénovation, avec des restaurations menées en accord avec l’orientation « atelier » du nouveau musée. Désormais doté d’un café, présentant des textes de salles bilingues français-anglais, l’atelier-musée est fin prêt pour accueillir un public plus nombreux (environ 60 000 visiteurs par an). « On veut élargir les choses, même si le visiteur n’aime pas Bourdelle, il doit apprécier sa visite », confie la directrice. Le prochain chantier du musée concernera le hall des plâtres, pour lequel la recherche de financement est toujours en cours.
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Bourdelle retrouve son atelier
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : Bourdelle retrouve son atelier