Foire & Salon - Photographie

Paris Photo, témoin d’un changement de générations

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 30 octobre 2024 - 862 mots

PARIS

Pour sa 27e édition, la foire revient sous la grande nef avec une programmation reflétant l’évolution du marché.

Paris. Paris Photo fait son retour au Grand Palais. Elle bénéficie de bien plus d’espaces qu’en 2019 : 21 000 m² contre 16 000 m² lors de sa dernière édition en ces lieux. La liste des galeries sélectionnées et la sectorisation grandissante des espaces marquent l’évolution de la foire et du marché de la photographie, en lien avec le profil des nouveaux professionnels et des collectionneurs. Cela est particulièrement visible lorsqu’on compare l’édition 2024 à celle de 2011, année de la première installation de Paris Photo au Grand Palais, après quinze premières éditions au Carrousel du Louvre. Ce changement d’échelle s’était accompagné d’une nouvelle direction (Julien Frydman, ancien directeur de l’agence Magnum Paris, avait succédé à Guillaume Piens) et de la présence inédite de galeries américaines de premier plan dans le marché de l’art contemporain telles que Gagosian, Fraenkel, Marian Goodman et Pace Pace Peter McGill. À l’époque, 135 exposants, issus de 28 pays, étaient répartis entre 117 galeries et 18 éditeurs ou librairies.

Depuis, Julien Frydman a quitté la société. Paris Photo Los Angeles, initié aux États-Unis, n’a connu que trois éditions, et Florence Bourgeois a pris la direction de Paris Photo. Pendant cinq ans, elle a formé un duo avec Christoph Wiesner, avant qu’Anna Planas ne lui succède à la direction artistique en 2023. L’évolution amorcée en 2011 s’est poursuivie avec un commissariat de plus en plus marqué des stands, et par la création des secteurs Curiosa et Prismes, réservés à des pièces exceptionnelles par leur format ou leur rareté. Des parcours tels que « Elles X Paris Photo », proposés par une commissaire invitée à partir d’une sélection de travaux de femmes photographes afin de valoriser leurs créations, et des expositions focus sur des collections ou des prix photo, se sont développés au rythme des partenariats signés, comme celui avec une banque privée américaine.

Le retour de Paris Photo au Grand Palais, avec plus d’espaces qu’autrefois, amplifie ces évolutions. En nombre d’exposants d’abord : 240 en provenance de 34 pays, soit un accroissement de près de 78 % par rapport à 2011, répartis entre 195 galeries et 45 maisons d’édition françaises et internationales. La présence de galeries non occidentales, notamment sud-américaines, s’accroît, et la proportion de femmes photographes représentées est désormais de 38 % en 2024, contre 20 % en 2018. La liste des nouveaux participants (28 %) confirme la montée en puissance d’une nouvelle génération de galeristes, avec des choix et des positionnements différents de leurs aînés, dont les rangs se rétrécissent au fur et à mesure des retraits, comme cette année ceux de la galerie Françoise Paviot ou Le Réverbère.

Une sélection renouvelée

« Nous allons encore plus vers une scène contemporaine et apportons une fraîcheur à notre sélection », confirme Florence Bourgeois. En février dernier, le renouvellement du comité de sélection des galeries a marqué le premier acte de cette orientation. Le profil des nouveaux membres a rajeuni et tranche avec leurs prédécesseurs, en particulier celui de Joshua Chuang, directeur de la photographie chez Gagosian, ou de Jean-Kenta Gauthier, galeriste parisien représentant des artistes contemporains utilisant le médium sans pour autant être photographes.

« Nous avions envie pour notre retour au Grand Palais d’envoyer un signal important au milieu et au marché de la photo », expliquait alors Anna Planas. Ce signal s’adresse aussi au marché de l’art contemporain, compte tenu des changements structurels profonds en cours dans le marché de la photographie, avec la disparition progressive d’une génération entière, non seulement de marchands, mais aussi de conservateurs, de responsables d’institution, de collectionneurs et d’acheteurs de photographie, au profit d’une nouvelle génération plus jeune, avec des intérêts, des connaissances et des priorités différentes. La multiplicité de publics est une constante de Paris Photo, ce qui la différencie des foires d’art contemporain. Cette multiplicité est confrontée, d’une édition à l’autre, à l’accroissement du nombre d’artistes exposés, toujours plus nombreux : 1 328 cette année contre 800 en 2023.

Face à cette profusion de noms et d’images, couvrant un vaste panorama des usages et pratiques du médium du XIXe siècle à nos jours, la foire a été encore plus segmentée dans ses espaces pour donner davantage de lisibilité dans l’offre. Pour ce faire, des secteurs ont été reconfigurés, d’autres développés ou créés, et les circuits ainsi que les offres pédagogiques diversifiés.

Les organisateurs et galeristes de Paris Photo savent que, dans un contexte de marché de la photographie morose, avec un nombre croissant de foires d’art et de ventes sur le second marché, le passage à l’acte d’achat est devenu plus aléatoire, et l’amortissement des frais d’un stand bien plus difficile à réaliser qu’en 2011, compte tenu des prix des photographies, bien en deçà de ceux pratiqués dans l’art contemporain. Le marché de la photographie demeure un marché de niche, d’où la présence discontinue, d’une édition à l’autre, de galeries d’art généralistes courtisées par la foire. Si, cette année, les galeries parisiennes Christophe Gaillard, Georges-Philippe & Nathalie Vallois ou In Situ – Fabienne Leclerc sont présentes, David Zwirner, Steven Kasher, Marian Goodman, Hamiltons, Yossi Milo, Kicken et Xippas, qui étaient présents en 2011, sont les grands absents de cette édition.

Paris Photo,
du 7 au 10 novembre, Grand Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Paris Photo, témoin d’un changement de générations

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque