Ventes aux enchères

VENTES PUBLIQUES

Le marché des ventes publiques fait une pause au premier semestre

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 11 septembre 2023 - 769 mots

Les dix premières maisons de ventes en France ont enregistré des résultats contrastés.

Francis Bacon Head woman Tête femme
Francis Bacon (1909-1992), Head of Woman, 1960, huile sur toile, 89 x 68,5 cm.

France. Après deux années exceptionnelles pour les enchères en France, les observateurs du marché se demandaient quand le soufflé allait retomber. Il n’est pas retombé mais il reprend son souffle. Les dix premières maisons de ventes accusent une baisse de leur chiffre d’affaires de 20 % par rapport à l’an dernier – mais en grande partie à cause de Christie’s qui a plongé de plus de 60 % – pour s’établir à 644 millions d’euros (hors chiffres d’Aguttes qui n’a pas souhaité les communiquer). « Il y a une crispation évidente du marché qui semble retenir vendeurs et acheteurs, mais elle est contrebalancée par une démocratisation des enchères », analyse Alexandre Millon, qui ajoute que « dans le marché inflationniste actuel, il y a une sorte de réflexe “cigale”, un contrecoup de l’euphorie post Covid ». Le mouvement est global : Christie’s Monde a annoncé une baisse de 23 % de son volume de ventes.

Des acheteurs plus prudents

Sotheby’s reprend la 1ère place du classement qu’elle avait perdue depuis 2020 avec un total de 153 millions d’euros (frais inclus mais sans TVA), soit une baisse de 7 % de son chiffre d’affaires. La maison de ventes enregistre aussi le lot le plus chèrement adjugé ce premier semestre en France, avec Tête de femme, de Francis Bacon (6,4 M€, voir ill.). Artcurial s’installe sur la 2e marche du podium – une place qu’elle n’avait pas occupée depuis 2019 – avec 135 millions d’euros récoltés (TVA incluse) et une baisse de 13 %. Christie’s arrive en 3e position avec 114 millions d’euros (frais inclus mais sans TVA) et affiche la plus forte baisse (-62 %). Suit Bonhams Cornette de Saint-Cyr à la 4e place avec près de 78 millions d’euros récoltés (frais compris sans TVA) – en augmentation de 46 % par rapport à 2022, année de la fusion. Sous la barre des 50 millions viennent ensuite Millon (45,6 M€), qui reste stable, Ader qui augmente de 16 % (32,5 M€) – « dans sa 19e année de croissance », note le commissaire-priseur David Nordmann –, Piasa, en augmentation de 33 % (32 M€), Osenat (21,7 M€), Tajan (17 M€) et, à la fin du classement, le nouveau venu Thierry de Maigret (15,3 M€).

Le groupe Drouot s’en sort bien, générant un produit de ventes de 338 millions (+14 %) – chiffre comprenant les ventes physiques, les lots adjugés en live (hors de Drouot) et les ventes online only. Les 489 vacations orchestrées à l’hôtel ont totalisé 206,8 millions d’euros, une hausse de 9 % qui s’explique en partie par davantage de ventes ce semestre (442 en 2022) – le lieu accueillant toujours plus d’opérateurs. La plateforme Interencheres déclare 134 millions d’euros de produits vendus pour le secteur Art et objets de collection (+12 %).

« On sent que le marché est un peu plus prudent, notamment du côté des acheteurs et ce, en raison de la conjoncture économique. Il y a moins de coups de folie, ils se posent des limites en raison de l’avenir incertain, entre l’inflation et la guerre en Ukraine qui finalement s’est installée », analyse le président de Sotheby’s Paris, Mario Tavella.

Des collections moins bien vendues

Il est vrai que ce premier semestre a manqué de collections phares, à plusieurs dizaines de millions d’euros, notamment chez Sotheby’s et surtout chez Christie’s. L’an passé, la maison de ventes de François Pinault avait vendu les collections Givenchy (118 M€) et Matisse-Monnier (40 M€), faisant décoller son chiffre au-delà des 300 millions d’euros. Néanmoins, le 2e semestre devrait être plus fourni. D’ailleurs, assure Cécile Verdier, présidente de Christie’s France, « la deuxième partie d’année est d’ordinaire plus forte que la première ». Seront notamment dispersées la collection d’Hubert Guerrand-Hermès en décembre chez Sotheby’s (au moins 10 M€) et la collection d’Anne et Wolfgang Titze, en octobre chez Christie’s, pendant Paris+ par Art Basel. Cette collection majeure d’art moderne et contemporain est estimée entre 20 et 30 millions d’euros pour une trentaine de lots. Il n’y a pas eu non plus pour cette première partie d’année un lot dépassant les 10 ou 20 millions d’euros comme cela avait été le cas l’an passé avec Le Panier de fraises des bois, de Jean Siméon Chardin (24,4 M€ chez Artcurial) ou encore le dessin de Michel-Ange (23,2 M€, Christie’s).

Dans ce contexte, les vendeurs, sans doute galvanisés par les résultats très élevés des deux dernières années, n’ont pas suffisamment fait confiance aux maisons de ventes qui ne cessent de préconiser des estimations raisonnables. En conséquence, plusieurs collections, à l’instar de celle de Jacques Garcia ou d’Hélène Leloup, ont obtenu des résultats en dessous de ceux espérés par les vendeurs.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°616 du 8 septembre 2023, avec le titre suivant : Le marché des ventes publiques fait une pause au premier semestre

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