PARIS
Des estimations trop élevées ont plombé la vente d’art africain menée par Sotheby’s.
Paris. Douche froide pour Sotheby’s. Annoncée comme « l’une des plus importantes collections d’art africain au monde », la première partie de la collection personnelle d’Hélène Leloup s’est retrouvée le 21 juin dans l’impasse. Pourtant, le nom de la collectionneuse aujourd’hui âgée de 96 ans, anthropologue, experte et marchande répondant au surnom de « papesse de l’art Dogon », est bien connu dans le milieu. Pionnière à bien des égards, elle avait, avec son mari à l’époque Henri Kamer, été la première marchande de sa génération à tenter l’aventure new-yorkaise en y ouvrant une galerie en 1959, deux ans après celle du boulevard Raspail à Paris.
Estimée 12 à 17 millions d’euros, la vente composée de 53 lots a atteint un total de 8,3 millions, dont 6,4 sont allés à une toile de Bacon [voir ill.] (Tête de femme, 1960). En comparaison, Christie’s engrangeait le lendemain 6 millions en seulement 21 lots, dont une statue Tellem adjugée 1,2 million. « Si on la considère dans son ensemble, la vente a eu de très bons résultats. Plus de 80 % des lots ont été vendus et près de 70 % d’entre eux ont atteint des prix supérieurs à leurs estimations », tempérait Jean Fritts, consultante en art africain et océanien chez Sotheby’s.
La vacation avait pourtant bien commencé : la salle était pleine et les premières enchères étaient nourries. Le lot 5, une statue Dogon Niongom du Mali, s’est ainsi vendue 300 000 euros au marteau, au-dessus de l’estimation haute. Mais au lot 10, les choses se sont gâtées. Malgré les efforts déployés par Aurélie Vandevoorde, qui dirigeait la vacation, une Tête Fang du Gabon estimée 4 à 6 millions d’euros [voir ill.], le clou de la vente, a été ravalée à 3,4 millions d’euros, faute d’avoir atteint le prix de réserve. L’œuvre avait pourtant de quoi séduire, avec sa provenance en or signée Helena Rubinstein et sa patine suintante. Sotheby’s s’est-elle laissé aveugler par le prix de la Tête Fang de Michel Périnet (autrefois dans la collection de Maurice de Vlaminck) adjugée 7,6 millions d’euros chez Christie’s en 2021 ? Quoi qu’il en soit, « c’est une pièce rare et d’une grande beauté qui a suscité beaucoup d’intérêt avant la vente. C’est un lot qui est cher à la famille Leloup. Elle est contente de pouvoir le conserver dans sa collection pour le moment », s’est consolée Jean Fritts.
Les déconvenues se sont ensuite enchaînées. Sur les 10 lots aux estimations les plus élevées, seuls trois ont trouvé preneur. Une statue Nkonde, RDC, estimée 250 000 à 350 000 euros, et une Statue porteur de masque, Dogon, Mali (est. 150 000 à 250 000 €) sont restées sur le carreau. « Sans doute, les estimations des pièces importantes étaient un peu trop fortes. Les vieux commissaires-priseurs avaient coutume de dire : notre pire ennemi, c’est le vendeur ! », analysait le marchand parisien Bernard Dulon. Les vendeuses, les deux filles d’Hélène Leloup, Marie-Victoire et Herica, ont peut-être été un peu gourmandes relativement à des pièces que des acteurs du marché n’avaient pas trouvées « renversantes ». Mais, si plusieurs d’entre eux avaient émis des critiques avant la vente, Bernard Dulon avait rétorqué : « N’oublions pas qu’Hélène Leloup est toujours vivante. Elle vend ce qu’elle veut ! ».
La seconde partie de la collection sera dispersée à New York au début de l’année 2024.
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La vente Hélène Leloup fait un flop
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°615 du 7 juillet 2023, avec le titre suivant : La vente Hélène Leloup fait un flop