Le centenaire du mouvement crée une véritable effervescence parmi les collectionneurs, dans un marché déjà solide.
Paris. Il y a cent ans, André Breton publiait son Manifeste du surréalisme. Un coup de tonnerre dans le milieu littéraire et artistique, qui posait les bases d’une nouvelle forme de création intégrant des concepts comme les associations libres, l’écriture automatique, les collages, l’intégration du rêve à la création… tout le marché a pris part à la célébration de ce centenaire : une quarantaine de galeries ont programmé des expositions en marge de celle organisée par le Centre Pompidou, tandis que plusieurs maisons de ventes ont orchestré des vacations sur le sujet tout au long de l’année.
Bonhams Cornette de Saint Cyr a ouvert le bal en mars avec sa vente « 100 ans de Surréalisme », mettant à l’honneur les œuvres de femmes artistes, avec de bons résultats pour Jane Graverol – la maison avait enregistré l’an passé le record du monde de l’artiste avec Le Trait de lumière (579 975 €). Plusieurs collections d’art surréaliste ont été dispersées au cours de l’année, comme celle de Marion Meyer chez Christie’s Paris, en avril (4,7 M€) avec Man Ray. La collection Geneviève et Jean-Paul Kahn remportait aussi un franc succès chez Piasa (7,3 M€), avec un 3e plus haut résultat aux enchères pour Dorothea Tanning (Les Trois Garces, 1953, adjugé 650 000 €) (voir ill.). En septembre, la collection Paul et Jacqueline Duchein chez Christie’s a dépassé son estimation haute en atteignant 7,5 millions. Là encore, c’est une artiste femme qui a dominé la vente puisque Dans l’eau du sommeil, 1960, de Toyen (Marie Cermínová) s’est vendu plus d’un million d’euros. Sotheby’s a refermé la marche le 18 octobre avec une vente « en gants blancs », qui a atteint 23,1 millions d’euros, au-delà de son estimation haute, et enregistré le plus haut prix en France pour Dalí, avec Rose méditative, 1958 (3,9 M€).
« C’est un mouvement qui a plutôt bien tenu par rapport aux aléas du marché en général, de par sa spécificité – il possède un esthétisme qui peut être très décoratif avec beaucoup de présence – de par sa rareté, et de par le fait que c’est un marché qui s’est développé ces vingt dernières années. Ainsi, il a pu être reconsidéré et n’a pas fait l’objet d’une spéculation complètement folle », estime le conseiller en art Thomas Seydoux.
Le marché surréaliste est un marché à deux vitesses. En tête, René Magritte se distingue comme le fer de lance, occupant la 5e position mondiale selon Artprice : L’Empire des lumières (voir ill.) qui sera vendu fin novembre à New York pourrait être le tableau le plus cher de l’année, garanti à 95 M$). Il est un des rares artistes, comme Monet, Van Gogh, qui, malgré les incertitudes du marché actuel où des acheteurs se cherchent et ne sont pas sûrs des prix pratiqués aujourd’hui, reste porteur. À côté, de « vieux dinosaures » peinent à attirer les acheteurs : « Le marché de Bellmer est inexistant, celui de Delvaux est incertain, comme celui de Max Ernst. Quant à celui de Picabia, il est moins sûr qu’avant : toutes les transparences qui s’envolaient vers les millions, aujourd’hui partent à 650 000 €, commente Thomas Seydoux. Dans la vente de Sotheby’s, les Miró, Man Ray et Dalí ont fait de bons prix mais il n’y a pas eu d’envolée et la vacation ne comprenait ni de Delvaux ni de Max Ernst, des dinosaures un peu à la traîne. »
Les femmes artistes surréalistes captent l’attention des collectionneurs.« Aujourd’hui, elles sont extrêmement recherchées, ce qui n’était pas le cas, il y a vingt ans », note le galeriste David Lévy. En effet, tout un pan d’artistes – essentiellement des femmes – n’a pas encore été vraiment valorisé : de Kay Sage à Leonor Fini, en passant par Leonora Carrington – qui en mai chez Sotheby’s New York a établi un nouveau record avec Les Distractions de Dagobert, 1945 vendu 26 M€ – sans oublier Remedios Varo. Dans ce segment du marché, les estimations peuvent être alléchantes.
Par ailleurs, « de nouveaux collectionneurs, notamment des jeunes, s’intéressent à ce mouvement qui est mieux compris de nos jours qu’à son époque, constate David Lévy. Cela s’explique par le fait que des artistes actuels ont vu dans le surréalisme une source importante d’inspiration et qu’une plus jeune génération y est sensible. »
Aujourd’hui, le marché est en pleine mutation « notamment pour certaines valeurs sûres qui ont pris un coup de vieux – à l’exception de très grands noms – tandis qu’il s’ouvre à de nouvelles références », observe Thomas Seydoux. « C’est aussi un marché dans lequel il y a une forte demande pour les œuvres historiques et de qualité avec des acheteurs qui sont de plus en plus pointus », renchérit David Lévy.
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Le marché de l’art surréaliste en goguette
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°642 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : Le marché de l’art surréaliste en goguette