Ventes aux enchères

VENTES PUBLIQUES

Le faux plat des ventes publiques au premier semestre

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 10 septembre 2024 - 735 mots

Les dix premières maisons françaises enregistrent une hausse de 9 %, grâce surtout à Christie’s et Osenat.

Vente d'une tête Fang du Gabon qui sera adjugée pour 14,7 millions d'euros par Adrien Meyer, commissaire-priseur de la vente Barbier-Mueller, le mercredi 6 mars 2024. © Christie’s Images Ltd
Vente d'une tête Fang du Gabon qui sera adjugée pour 14,7 millions d'euros par Adrien Meyer, commissaire-priseur de la vente Barbier-Mueller, le mercredi 6 mars 2024.
© Christie’s Images Ltd

France. Grâce à Christie’s, qui repasse en tête avec 203 millions d’euros (+ 78 %) et Osenat (+ 68 %), les dix plus grandes maisons françaises semblent maintenir le cap, avec un total cumulé de 700 millions d’euros (contre 642,5 M€ en 2023). Mais en regardant dans le détail, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Seules deux autres maisons affichent une croissance : Piasa (+ 16 %) qui réalise son meilleur semestre depuis sa création (37 M€) et Giquello, à 15 millions d’euros (+8 %) – Millon stagne (+ 1 %). Toutes les autres enregistrent une baisse comprise entre 13 et 20 % : Sotheby’s (en 2e position du classement), Ader, Tajan et Bonhams-Cornette de Saint-Cyr...

La forte progression de Christie’s s’explique par le succès remporté avec la dispersion de la collection Barbier-Mueller en mars (73 M€) – un record mondial dans la catégorie « arts premiers » mais aussi la collection la plus importante vendue dans le monde pour ces six premiers mois – et Le Melon entamé, de Chardin vendu en juin (26,7 M€) – adjudication la plus haute enregistrée en France pour la période.

Quant à la maison Osenat, qui passe de 21,7 millions d’euros au premier semestre 2023 à 36,5 millions cette année, « c’est l’adjonction d’un espace supplémentaire qui a augmenté notre chiffre », explique Jean-Pierre Osenat, qui a en effet ouvert l’an passé, en plus de Fontainebleau et Versailles, une salle des ventes à Paris. C’est là d’ailleurs que la maison a dispersé en février la collection Fischof-La Foux pour 6 millions d’euros.

Des collectionneurs moins présents

S’il n’y a pas d’effondrement du marché, loin de là, l’euphorie post-Covid est derrière nous et le début de crise, amorcé à la fin de l’année 2023, liée au contexte géopolitique, n’est pas encore écarté. Le terme de « résilience », comme l’a employé à plusieurs reprises Guillaume Cerutti, le PDG de Christie’s Monde, lors d’une conférence de presse à propos du groupe, est celui qui caractérise le mieux ce premier semestre. Les incertitudes économiques et politiques internationales, telles que les élections, les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, et l’inflation, affectent la sensibilité des marchés des biens non essentiels, tel celui de l’art. « La guerre à Gaza fait que les collectionneurs juifs sont également moins présents », ajoute un acteur du marché.

À cause de ce contexte, qui ne favorise pas la vente des œuvres sur le marché (ni même leur achat), l’offre d’œuvres s’est réduite, notamment en termes de collections majeures – hors collection Barbier-Mueller. « Celle d’Alain Delon dispersée l’an dernier a fait la différence », souligne Catherine Yaiche, directrice générale de Bonhams-Cornette de Saint-Cyr, qui totalise 68 M€ (- 13 %). Par ailleurs, plusieurs opérateurs ont rencontré une baisse dans le nombre de leurs vacations, à l’instar de Sotheby’s, qui n’a orchestré que 24 ventes ce semestre (contre 44 en 2023).

À Drouot aussi, 474 ventes ont été programmées, cette première partie d’année, contre 489 au 1er semestre 2023. Aussi, les seules ventes organisées au sein de la vénérable institution accusent une baisse de 9 %, passant de 206,8 à 189 millions d’euros. En revanche, le groupe génère un produit de ventes de 353 millions (+ 4,4 %) – chiffre comprenant les ventes physiques, les lots adjugés en live (hors de Drouot) et les ventes online only.

Vient s’ajouter au tableau une concurrence accrue. « Elle s’est beaucoup développée ces dernières années. Quand le marché progresse très vite, tout le monde en profite mais quand il se contracte, certains acteurs peuvent en pâtir », estime le commissaire-priseur David Nordmann (Ader), qui affiche une baisse de 20 % pour ce semestre. À titre d’exemple, les maisons de ventes aux enchères volontaires sont passées de 365 en 2003 à 482 en 2023.

Cette concurrence amplifiée pénalise aussi certains secteurs, comme celui des voitures de collection. « Ce marché, qui a été très porteur pendant tellement d’années et vu de plus en plus d’acteurs arriver, est plus compliqué aujourd’hui – leur dilution ayant entraîné une baisse des ventes », explique Catherine Yaiche. Ce que confirme Jean-Pierre Osenat : « C’est un marché qui a baissé de 20 % – les voitures d’avant-guerre ont moins la cote. C’est cyclique et c’était monté trop haut. » Artcurial ne pourra pas dire le contraire. Sa vente Rétromobile de février dernier a enregistré une baisse de 50 % par rapport à celle de février 2023 – expliquant la baisse de son premier semestre (- 10 %).

Top 10 des maisons de ventes aux enchères en France - septembre 2024 @ Le Journal des Arts
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Produit d’adjudication (PA) en millions d’euros, frais inclus, hors TVA, en France.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°638 du 6 septembre 2024, avec le titre suivant : Le faux plat des ventes publiques au premier semestre

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