PARIS
L’hôtel de ventes s’est résolu à céder une partie de ses actions afin de racheter les parts des opérateurs partis en retraite.
Le 6 juillet, les actionnaires du Groupe Drouot réunis en Assemblée Générale ont approuvé à près de 73 % l’entrée au capital à hauteur de 30 % de Vesper Investissement et du Groupe Chevrillon. « C’est l’occasion rêvée de faire entrer Drouot dans le XXIe siècle et de ne plus rester dans l’entre-soi », se réjouit Alexandre Giquello, réélu à l’unanimité pour un troisième mandat à la présidence de Drouot Patrimoine SA le 26 juin dernier.
Il y a encore quelque temps, il paraissait impensable qu’un tiers entre au capital de l’hôtel des ventes parisien. Pierre Bergé s’y était déjà cassé les dents en 2002. Pour autant, depuis qu’Alexandre Giquello est arrivé à la tête de Drouot en 2017, il n’a cessé de vouloir démontrer que le modèle « club fermé » de la vénérable institution était obsolète. En 2020, c’est lui qui avait initié l’ouverture de Drouot à toute la profession, jusqu’alors réservé aux seuls actionnaires parisiens. Mais aujourd’hui, un pas encore plus grand est franchi.
L’origine du problème vient de ce qu’il y a deux ans, plusieurs commissaires-priseurs âgés ont vendu leur étude à de jeunes professionnels qui n’avaient pas toujours les moyens d’acquérir à la fois l’étude et les actions dans l’hôtel de ventes. Aussi, ces commissaires-priseurs en retraite sont restés actionnaires, tout comme une dizaine d’ayant droits, pas du tout actifs au sein de Drouot.
Ils se sont rassemblés dans un collectif afin de parler d’une seule voix et ont demandé qu’une solution de rachat soit trouvée. Plusieurs options ont été proposées en Assemblée Générale des actionnaires, au nombre de 129 (*) (chacun des 129 commissaires-priseurs regroupés dans 75 maisons de vente ayant autour de 7 000 actions). La première option le statut quo - risquait de bloquer certaines décisions. La deuxième, l’emprunt à une banque à hauteur de 20 ou 30 millions pour racheter les actions des sortants : « moi, j’y étais farouchement opposé ! J’ai besoin de ces millions pour investir et non pas les donner à des actionnaires souhaitant sortir », s’exclame Alexandre Giquello. Cette option a été rejetée à une très forte majorité.
C’est finalement la troisième et dernière solution qui a été retenue, celle de faire appel à un tiers qui entre au capital et paie les sortants. C’est ainsi que Vesper Investissement et le Groupe Chevrillon (qui possède notamment Culturespaces ou encore Picard) sont entrés dans le jeu. « C’est un Family Office - chargé de placer l’argent de grandes familles, à long terme, dans des projets dans lesquels ils restent toujours minoritaires - et non pas un fonds d’investissement », tient à préciser le président, « ils partent du principe que Drouot est un fleuron qui n’est pas du tout à sa place dans le panorama mondial par rapport à ce qu’il pourrait être ».
Cependant des oppositions très fortes contre cette décision se sont manifestées en interne. « Ce n’est pas juste que ce soit les retraités qui décident pour ceux qui restent », estime un commissaire-priseur parisien. « Nous sommes passés d’un Drouot au service des maisons de ventes - un outil de travail - à un Drouot qui est maintenant une société à part entière et dont le destin échappe aux maisons de vente », fustige David Nordmann (Ader) qui se demande quelle attitude il va adopter face à ce nouveau Drouot.
« Ce vote met en lumière une posture morale bien chétive. Qu’une génération actuelle de commissaires-priseurs amoureux du Drouot historique soit mise sous l’éteignoir et sacrifiée sur l’autel de quelques certitudes financières n’est pas acceptable. La même somme était proposée… Je pense à mon père et aux anciens présidents vraiment avec tristesse. Lâcher notre indépendance me paraît fou ! Nous ne reviendrons plus jamais en arrière. Ce n’était pas le moment. Il y avait encore des choses à dire, à faire. Il fallait simplement quelques mois de plus pour qu’une transmission loyale et saine entre jeunes et anciens donne au mot indépendance sa valeur d’avenir », s’indigne Alexandre Millon, qui a fait il y a plus d’un an, une proposition (infructueuse) de rachat des actions à 65 € (puisqu’elles ne se vendaient pas à 40 €) - dans la limite de 3 % (soit environ 20 000 actions).
Le bilan de cette entrée au capital ne sera établi que dans 7 ans. En attendant, il va s’agir de trouver des avantages concrets - comme par exemple le versement de dividendes - pour que les commissaires-priseurs actionnaires (soit 70 %) puisse trouver des acheteurs pour vendre leurs actions si un jour ils le souhaitent. « La dynamique ne pourra se créer qu’avec tout le monde. Si on perd la moitié des maisons parce qu’elles ne sont pas contentes de la façon dont le groupe est géré, ce n'est pas le but », explique Alexandre Giquello.
(*) Contrairement à ce que nous avions précédemment écrit, il y a 129 actionnaires et non 120.
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Drouot ouvre 30 % de son capital à deux fonds d’investissement
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