Ventes aux enchères

Drouot va s’ouvrir à toute la profession

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2020 - 725 mots

Si l’accès à tous les opérateurs (après accord d’un comité adhoc cependant) fait consensus, peu vont se précipiter pour en profiter.

Paris. Le 30 septembre, Alexandre Giquello est réélu à l’unanimité par les 120 actionnaires du groupe à la tête du conseil d’administration de Drouot Patrimoine pour un mandat de trois ans. « J’ai présenté en amont mon projet de réformes, qui a été accepté à 98 %. J’avais prévenu que s’il ne passait pas, je me retirais. » Parmi les réformes – outre la mise en place prochaine d’une nouvelle filiale, Drouot Immobilier ou encore d’un service de conciergerie –, la mesure la plus spectaculaire est l’ouverture de l’hôtel à toute la profession – non plus aux seuls actionnaires – et sans supplément pour la location de salles (1,5 % du produit vendu, plafonné à 25 000 €). Le président réélu veut faire bouger les lignes et a bien compris que le modèle du « club fermé » est dépassé. Jusqu’à présent, la vénérable institution ne laissait y officier que 59 maisons, uniquement celles y détenant des parts, soit 7 000 actions requises. « Nous avons entre les mains un outil formidable mais qui n’a de vertu que s’il tourne à plein régime », lance le président, qui ne veut plus laisser de salles vides.

Pour autant, des critères spécifiques devront être remplis car, en plus d’être agréés par le Conseil des ventes, les nouveaux entrants devront aussi obtenir l’agrément du conseil de direction (nouvellement créé) qui se réserve un droit de contrôle sur la qualité de la marchandise et la manière de travailler. Bien sûr, les actionnaires en sont exonérés et conservent un droit de priorité pour la réservation.

Deux opérateurs ont déjà réservé des salles : Touati-Duffaud (Le Raincy) et Euvrard & Fabre (Paris, 7e). « Drouot est connu, c’est comme une marque et c’est la seule place qui existe avec ce système de pluralité d’expositions et donc un passage de visiteurs décuplé. C’est fédérateur », commente Guillaume Euvrard dont la première vacation au sein de l’hôtel se tient le 24 novembre.

Ces nouvelles réformes ont donc été accueillies favorablement au sein de Drouot, avec cependant quelques réserves. « Ce sont des demi-mesures liées à la tentative de rentabiliser un hôtel. Mais nous ne sommes pas hôteliers ! Les fruits que j’entends recevoir de Drouot sont ceux d’un projet commercial qui nous emmène vers l’excellence avec la création de départements d’art de très haut niveau », considère Alexandre Millon, actionnaire.

Un accueil mitigé

Qu’en pensent les autres membres de la profession ? D’une manière générale, les maisons qui ont quitté le navire (Artcurial, Tajan, Cornette de Saint Cyr…) se réjouissent : « Cette ouverture va renforcer l’attractivité du marché parisien, donc c’est une bonne chose », estime Stéphane Aubert, directeur associé d’Artcurial. Malgré tout, la question d’y réorganiser des ventes dans le futur n’est pas à l’ordre du jour. « Nous avons nos propres locaux, alors la question se pose beaucoup moins. A priori, c’est non, mais ponctuellement pour certaines ventes, pourquoi pas ? », indique quant à lui Arnaud Cornette de Saint Cyr. Même chose du côté des commissaires-priseurs parisiens qui n’y ont jamais eu accès. Parmi eux, certains ont même créé leur propre salle, à l’instar de Nathalie Vermot (La Salle, 20 rue Drouot, 9e), qui ne pense pas avoir intérêt à vendre à Drouot, tout comme FauveParis (49 rue Saint-Sabin, 11e) : « Tout est centralisé dans nos locaux sans que nous ayons à dépendre à un seul moment d’un prestataire extérieur », explique Lucie-Éléonore Riveron, dirigeante et cofondatrice.

Quant aux commissaires-priseurs de province, ils sont dubitatifs. « J’ai demandé plusieurs fois de pouvoir vendre à Drouot, sans succès. Donc je loue des salles autour, rue Drouot et rue Rossini, pour un coût bien moindre (3 000 € pour deux jours) », témoigne Me Biget (Alençon). « Nous ne pensons pas louer de salles à Drouot car les tarifs et les contraintes logistiques sont trop importantes », renchérit Guilhem Sadde (Dijon). Guillaume Cornet qui officie à Blois et Orléans (Pousse-Cornet) n’est pas lui aussi forcément attiré par cette ouverture, « car grâce à Internet, les ventes de prestige sont plus faciles à organiser qu’avant en province. D’ailleurs, on peut y obtenir les mêmes prix qu’à Paris ». Il n’y a qu’à voir le Cimabue vendu 24 millions d’euros à Senlis, il y a un an… A écouter tous ces commentaires, on peut se demander si la mesure n’arrive pas trop tard.

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°554 du 30 octobre 2020, avec le titre suivant : Drouot va s’ouvrir à toute la profession

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