MONTÉLIMAR
La rétrospective du Musée d’art contemporain de Montélimar témoigne de l’énergie du photographe et cinéaste.
Montélimar (Drôme). On ne s’attendait pas nécessairement à ce que la première rétrospective consacrée à William Klein (1926-2022) deux ans après sa mort à Paris soit organisée par le Musée d’art contemporain (Mac) de Montélimar. La dernière, qui remonte à 2005, fut présentée au Centre Pompidou sous le co-commissariat de Quentin Bajac et Alain Sayag. L’initiative de cette rétrospective incombe à Pierre Sapet, chargé de développement culturel à l’Agglomération, et à Michel Corréard, cofondateur du festival Présence(s) Photographie à Montélimar.
Nommé en septembre 2023, Pierre Sapet, ex-attaché de conservation du patrimoine au département de la Drôme, s’emploie à redynamiser le Musée d’art contemporain. Il a entendu le souhait de Michel Corréard de programmer, dans le cadre du festival photo, une exposition « William Klein » dans le prolongement de celles organisées en 1985 sur son travail et celui de son épouse, Jeanne Klein, dans la Drôme, au château des Adhémar à Montélimar, au Musée de Grignan, à la Galerie Angle à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Les fonds sont alors trouvés pour une double présentation, au Mac de Montélimar et dans l’espace public, où est plus spécifiquement montré le travail de Klein au Japon en 1961. Raphaëlle Stopin, commissaire, propose une rétrospective particulièrement vivante, didactique et riche en contenus qui donne autant de place à l’œuvre cinématographique que photographique.
Entré dans l’art par la peinture et le graphisme, William Klein a très tôt manifesté une audace et le besoin constant d’expérimenter et de réagir à l’actualité de son époque. La salle consacrée à sa biographie, très réussie, en donne la mesure ; les repères qu’elle fournit sont mis en rapport avec des faits et des événements sociétaux, économiques, politiques, artistiques et culturels, depuis la naissance de l’artiste en 1926 à New York dans une famille juive issue de l’immigration hongroise jusqu’à sa mort récente.
Développé sur les quatre murs d’une salle, le panorama est riche en photographies, portraits méconnus de Klein à tous les âges, citations de l’artiste et documents divers : affiches, pochettes de disque… S’y racontent ses études, sa fréquentation très jeune, à New York, du MoMA et de la cinémathèque ; l’installation à Paris et le mariage avec Jeanne en 1950 ; la fréquentation des ateliers d’André Lhote, Fernand Léger, de l’académie de la Grande Chaumière. Mais aussi le début des expérimentations photographiques en 1952, les premières expositions et récompenses pour son livre sur New York, prix Nadar en 1957. L’amitié avec les réalisateurs Chris Marker, Alain Resnais ou Fellini, alliée à ses engagements politiques, donne lieu à la coréalisation du film documentaire Loin du Vietnam (1967) ou la réalisation en 1968 de Mister Freedom, film interdit de sortie jusqu’en janvier 1969.
La suite du parcours s’anime du souffle, de l’énergie, du mordant des créations de Klein le rebelle, le contestataire, l’espiègle, le joueur. À New York, Rome, Tokyo ou Paris, sa ville de résidence, il se confronte à la rue et à ses passants. Si le mode de narration varie et se réinvente d’une ville à l’autre, la densité des images, des scènes, des regards demeure, d’une intensité de vie quel que soit le sujet. Ses photographies de mode expriment la même liberté que son premier film Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966), dénonciation grinçante de ce même milieu et de la société du spectacle qu’il engendre.
Les prêts du Studio William Klein, les tirages produits pour l’exposition, les maquettes originales de livre, les collages, dessins, extraits de films et documents rares participent à faire de cette rétrospective un grand moment y compris pour ceux qui connaissent l’œuvre. La salle consacrée aux contacts peints ou celle sur les combats de Cassius Clay, futur Muhammad Ali, mis en regard avec la figure de Mister Freedom, autre figure de lutte, comprend ainsi un grand portrait peint de Mister Freedom (1967) par Jeanne Klein, rappelant son implication importante dans l’œuvre que les rétrospectives précédentes avaient éludée.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°639 du 20 septembre 2024, avec le titre suivant : William Klein tout en mordant