Pays-Bas - Art moderne

XXE SIÈCLE

Kandinsky revient à Amsterdam

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 10 juillet 2024 - 711 mots

Le H’Art Museum propose une rétrospective de l’artiste d’avant-garde d’origine russe conçue en collaboration avec le Centre Pompidou.

Amsterdam. En 1904, entre le 23 mai et le 21 juin, Vassily Kandinsky et sa compagne, Gabriele Münter, font un voyage éclair aux Pays-Bas. Pendant ce séjour, le peintre exécute quelques toiles. Plus d’un siècle plus tard, ces paysages hollandais, une courte parenthèse dans son œuvre, sont présentés fièrement dans l’exposition que consacre le musée amstellodamois H’Art à l’artiste russe. H’Art Museum est le nouveau nom de l’ancienne antenne du musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, qui, pour des raisons politiques évidentes, a été rebaptisée en juin 2023. Ce changement a eu des conséquences importantes. Les accords avec le musée russe ont été annulés, remplacés par d’autres conclus avec la National Gallery of Art de Washington, la Tate Modern de Londres et surtout avec le Centre Pompidou, qui est à l’origine de cette rétrospective.

Le parcours, chronologique, s’ouvre sur les premières années de Kandinsky à Munich (Allemagne) où il arrive en 1896. Rapidement, le peintre adopte un style néo-impressionniste et réalise de nombreux paysages de taille réduite. On remarque d’ailleurs que même dans ses sujets a priori urbains, à l’instar de La Vieille Ville II (1902), il se concentre sur ce qui semble être un jardin en pleine ville. S’agit-il d’un héritage impressionniste ? Sans doute, mais il est plus probable que le paysage, plus que l’architecture et ses formes géométriques, ait permis au peintre une plus grande souplesse plastique et liberté chromatique.

La peinture sous verre

L’exposition réserve une section aux déplacements de l’artiste, en Italie, en France, et plus tard en Tunisie. En réalité, les voyages, au moins en Europe, n’ont pas grand impact sur son travail. Il en va autrement des plongées dans le temps et surtout dans son enfance, qui donnent lieu à des images souvenirs telles que racontées dans son ouvrage au titre évocateur, Regards sur le passé (1913). Ainsi, Dimanche, vieille Russie (1904), cette représentation pratiquement médiévale de son pays natal, est une de ces visions d’un passé féerique.

Son séjour, à l’instar de celui de Paul Klee en Tunisie, a pour résultat l’introduction d’une luminosité extraordinaire qui influe sur sa gamme chromatique. C’est avec justesse qu’Angela Lampe, conservatrice au Musée national d’art moderne-Centre Pompidou et commissaire avec Birgit Boelens, conservatrice à H’Art, fait le rapprochement entre Ville arabe (1905) et l’une des peintures phares de Kandinsky, Improvisation III (1909). À partir de 1908, l’artiste séjourne souvent à Murnau, un village situé au sud de Munich qui est un centre de la peinture sous verre. Cet art populaire, aux formes simplifiées, inspire Kandinsky dans son travail avec Münter mais aussi avec Alexej von Jawlensky et Marianne von Werefkin, sa compagne, elle-même peintre. Dès lors, l’artiste s’éloigne de la représentation encore dépendante de la réalité et expérimente des compositions de plus en plus abstraites – Improvisation XIV (1910), Impression V (1911) et ce chef-d’œuvre, Avec l’arc noir (1912).

La guerre oblige Kandinsky à retourner en Russie où, bien qu’avec peu d’ardeur, il participe aux mouvements révolutionnaires. Pour autant, il ne reste pas imperméable à une nouvelle forme d’abstraction dans la version suprématiste de Malevitch ou celle, constructiviste, d’El Lissitzky. Cependant, quand le Bauhaus lui propose un poste d’enseignant, il n’hésite pas. À Amsterdam, une place importante est accordée aux années passées dans cette célèbre école d’art allemande, durant lesquelles le peintre réussit à injecter une dose de lyrisme dans des compositions géométriques – voir la magnifique toile offerte à sa femme Nina pour Noël en 1926. L’école est fermée avec l’arrivée au pouvoir des nazis ; Kandinsky et Nina se réfugient en France en 1933. Dans les dernières années de sa vie – l’artiste meurt en 1944 –, la production de Kandinsky, au contact du surréalisme et de l’abstraction biomorphique, perd une partie de sa puissance et prend des accents légèrement décoratifs. Mais revenons sur deux points forts de l’exposition. Le premier est la reconstruction de l’imposant Salon de réception (surface peinte : 145 m2 au total) exécuté par Kandinsky et ses étudiants au Bauhaus (1922) pour la Juryfreie Kunstschau à Berlin, une pièce en provenance du Musée national d’art moderne. Le second est une vidéo séduisante, à la fois pédagogique et poétique, réalisée par l’artiste Bink van Vollenhoven.

Kandinsky,
jusqu’au 10 novembre, H’Art Museum, Nieuwe Herengracht 14, Amsterdam, Pays-Bas.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : Kandinsky revient à Amsterdam

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