Certains livres prennent le parti de répéter, en la développant, une histoire par tous admise. D’autres, au contraire, s’évertuent à remettre cette histoire en question.
Rafraîchissant sur le plan intellectuel, cet exercice s’avère souvent salutaire sur le plan de l’historiographie. Sous son apparence de belle et sage monographie, Kandinsky, tout chaud sorti des éditions Citadelles & Mazenod pour coller à la programmation du Centre Pompidou [lire p. 83], appartient bien à cette seconde catégorie d’ouvrages.
Un opposant à la modernité
Beau, avec son format imposant et ses illustrations pleine page, Kandinsky l’est sans discussion ; sage, en revanche, rien n’est moins sûr. Derrière un découpage chronologique classique, chaque chapitre, signé d’un spécialiste de l’œuvre du maître, dont Christian Derouet et Annegret Hoberg, commissaires de l’exposition du Mnam, met « le savoir universitaire » à l’épreuve.
« Mais comment a-t-on pu arriver à un tel malentendu ? », s’interroge par exemple Noemi Smolik en conclusion de son étude sur « Les débuts en Russie ». Pour l’historienne, qui s’appuie sur la pensée de Soloviev (philosophe oublié), Kandinsky aurait davantage été au départ « un opposant à la modernité » que son « prophète ». Difficile d’imaginer l’un des pères de l’abstraction en peintre rétrograde. Et pourtant, son intérêt pour les motifs traditionnels russes – églises, icônes… – semble l’attester. D’autant plus que Kandinsky recherche moins la révolution en peinture qu’un langage universel capable de réconcilier les hommes. Il l’écrit dans les années 1910 : « Je découvrirai une nouvelle langue internationale qui sera éternelle […]. Elle s’appelle peinture. »
Un peu plus loin dans le livre, Reinhard Spieler confirme la thèse de Smolik. Il remarque que lors de son séjour à Paris, en 1906, Kandinsky passe complètement à côté de Picasso et de Matisse, dont il connaît pourtant le travail. À la modernité en marche, il préfère les… impressionnistes ! Mais, prévient Spieler, peut-on faire confiance à une biographie dont les grandes lignes ont été écrites par le peintre lui-même ? N’était-il pas plus confortable pour ce dernier de se faire passer pour un autodidacte plutôt qu’un suiveur ? C’est décidément tout le mérite de ce livre que de ne pas prendre l’histoire pour argent comptant.
Sous la direction de H. Friedel et A. Hobert, Kandinsky, Citadelles & Mazenod, 320 p., 300 ill. couleur, 230 euros.
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Sous la direction de H. Friedel et A. Hobert : "Kandinsky"
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Sous la direction de H. Friedel et A. Hobert : "Kandinsky"