Art contemporain

Chaumont-sur-Loire, un domaine de « folies »

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 19 juillet 2024 - 744 mots

CHAUMONT-SUR-LOIRE

Une grotte de Barceló et plusieurs personnages mythologiques ou fantastiques se sont installés nouvellement dans le parc. Parmi les invités de cette 17e Saison d’art qui prend aussi place au château : Vincent Bioulès, Damien Cabanes, les Poirier….

Chaumont-sur-Loire (Loire). Miquel Barceló a toujours aimé la matière, les défis, la démesure. Avec huit tonnes, trois mètres de hauteur sur quatre de large, environ quatre années de travail, sa dernière sculpture installée au Domaine de Chaumont-sur-Loire à l’occasion de la 17e édition de sa Saison d’art a encore repoussé les limites. Si l’on ajoute la mise au point d’une argile adaptée à l’extérieur, la création, dans son atelier de Majorque (Espagne), d’un four conçu pour ces dimensions hors norme et une cuisson en une seule pièce, un transport par bateau puis par convoi exceptionnel, on réalise la prouesse technique et l’incroyable challenge pour ce qui se révèle comme un coup de poing visuel et une belle réussite. Intitulée La Grotte Chaumont, en clin d’œil à la grotte Chauvet et à la passion que l’artiste a toujours eue pour les peintures rupestres, l’œuvre est la sixième commande pérenne (après celles de Jannis Kounellis, Gabriel Orozco, Sheila Hicks…) passée par la Région Centre-Val de Loire pour le Domaine. Elle évoque l’immense gueule ouverte d’un animal (un poisson ?) monstrueux aux dents agressives et aux parois figurant aussi bien, dans un style pariétal, des méduses et autres animaux marins qu’une grande chèvre, un cheval… et le portrait de l’artiste en érection.

Installée dans le parc historique, cette sorte de « folie » est une parfaite introduction à l’un des thèmes choisis cette année par Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine et commissaire des Saisons d’art. Celle-ci a voulu, selon ses propres termes, « transformer Chaumont en parc de Bomarzo » en référence à ces jardins du XVIe siècle, près de Rome, également appelés le « parc des Monstres ». Ainsi, non loin de Barceló, Prune Nourry a installé un couple de sculptures en bronze imitant la corde, deux « squelettes » mi-homme mi-arbre [voir ill.]. Ils rappellent le personnage d’Atys dans Les Métamorphoses d’Ovide, et sont ici en totale harmonie avec leur environnement peuplé de grands conifères. Le principe du dialogue entre le lieu et l’artiste, autrement dit de l’adéquation entre une œuvre et son emplacement, se retrouve avec L’Oiseleur et L’Homme sauvage de Denis Monfleur. Ces deux très belles sculptures fantomatiques en lave de Chambois et orgue basaltique semblent émerger d’un bosquet ou s’y cacher pour mieux se fondre dans ses branchages.

Bioulès, un artiste à reconsidérer

La grande exposition, qui comme chaque année est présentée dans les galeries hautes du château pour (re)mettre en avant un artiste important pas nécessairement considéré à sa juste valeur, est consacrée cet été à Vincent Bioulès. Celui-ci occupe pas moins de neuf salles avec une quarantaine de tableaux, dont certains de grand format, principalement datés de ces vingt dernières années. Ils nous promènent dans ses différents lieux de mémoire ou de présent, le jardin vu de sa chambre d’enfant à Montpellier, le mazet de ses grands-parents à Nîmes, le pic Saint-Loup, l’étang de l’Or. Subtilement accroché, l’ensemble rappelle ses grandes qualités de coloriste et la force de son lien avec le paysage et la nature, dans un jeu très matissien sur les fenêtres offrant des vues de l’intérieur d’une pièce vers l’extérieur ou l’inverse, du dehors vers le dedans.

C’est encore la nature (le grand thème de Chaumont-sur-Loire) qui anime les splendides papiers de Damien Cabanes, pour avoir fait depuis longtemps des fleurs et du végétal l’un de ses principaux thèmes. Invité cette année dans la catégorie des artistes reconnus, il est venu y passer dix jours en résidence en septembre 2023, a installé ses grands lés de papier sur les pelouses et a fait le portrait des massifs. Au final, il a réalisé dix-sept œuvres dont certaines de 7 m de long, présentées dans les cinq salles de la cour Agnès-Varda, où l’on retrouve sa formidable capacité à introduire une forme de mélancolie dans le moindre bouquet et bosquet de fleurs. Dans cette même catégorie, Gloria Friedmann (dans l’auvent des écuries) ainsi qu’Anne et Patrick Poirier (dans l’asinerie et sur le pédiluve) s’inscrivent parfaitement dans le parcours.

Enfin, parmi les quinze artistes réunis, Pascal Oudet, un ingénieur devenu artiste, est indéniablement le gagnant de la section révélation avec sa mise au point d’une technique qui lui permet de tailler des troncs de chêne en très fines tranches. Ou comment transformer le bois en dentelle, à l’image du Domaine.

Saison d’art 2024,
jusqu’au 27 octobre, Domaine de Chaumont-sur-Loire, Centre d’arts et de nature, 41150 Chaumont-sur-Loire.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : Chaumont-sur-Loire, un domaine de « folies »

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