Art contemporain

Barceló abyssal à Monaco

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 11 juillet 2024 - 551 mots

MONACO

La Villa Paloma montre un peintre amoureux de la mer.

Monaco. Pour l’exposition de Miquel Barceló au Nouveau Musée national de Monaco (NMNM), les commissaires – Björn Dahlström, maître des lieux, Guillaume de Sardes et Stéphane Vacquier, historiens de l’art – ont choisi un thème « local » : l’océanographie. En effet, arrivé à la Villa Paloma, qui domine la baie, le visiteur, pour peu qu’il réussisse à détourner le regard de l’architecture particulière de la Principauté, peut admirer un magnifique paysage marin in situ. Le sujet proposé à l’artiste espagnol ne pouvait que lui plaire. Grand voyageur, Barceló parcourt depuis une cinquantaine d’années le monde entier, explorant les différents rivages et leur faune. Écoutons-le raconter, dans le catalogue de l’exposition : « Chez moi, en majorquin, il y a deux mots pour désigner la mer […] “La mar”, c’est la haute mer, et “el mar”, c’est un terme générique […] Il y a une mer qui est entre les îles, une mer en soi, puis au grand large vers l’Afrique, une autre mer […] Moi, je les aime toutes. »

Cet amour de la part de quelqu’un qui « pratique » la mer depuis toujours – plonger, pêcher, naviguer font partie de ses activités quotidiennes –, on le sent ici partout. Le parcours, une lente montée à la fois spatiale et temporelle, commence par les eaux les plus profondes. La matière lourde et épaisse forme une texture brute, accidentée, archaïque en quelque sorte, renvoyant « aux âges géologiques les plus anciens, aux paléo-océans disparus […] et aux origines de la vie » (catalogue).

Plongé dans le bleu nuit, immergé dans un monde silencieux, le visiteur aperçoit çà et là, dans un éclat de lumière, un monstre marin, un cyclope qui le fixe (Oblada, 2015) ou un requin (Requin, 2015).

Puis, on remonte à la surface teintée de bleu azur où le blanc signifie écume. On respire mieux entre ces vaguelettes qui évoquent les plaisirs aquatiques, la liberté ressentie face à cet espace infini où l’horizontal devient le vertical, où la ligne d’horizon s’efface, où le ciel disparaît et où il n’y a plus ni lointain ni premier plan.

Pas de récits explicites

Si parfois les toiles de Barceló sont à la limite de l’abstraction (Sans titre, 2001), d’autres sont figuratives, voire narratives. Ainsi, dans une salle plusieurs barques tanguent sur une mer houleuse. Il n’y a pas de récits explicites, mais parfois un titre littéraire, tel Ahab (1984), selon le nom du protagoniste de Moby Dick, ou simplement notre imaginaire, nourri de légendes maritimes, permet d’inventer une histoire.

À Monaco, on trouve également de beaux travaux graphiques et, surprise, des broderies à la main réalisées par la mère de l’artiste, récemment décédée, sur des toiles peintes par lui. Puis la céramique prend une place importante. Barceló fait partie de ceux qui savent inventer des formes exceptionnelles à l’aide de cette technique (Urnas ultramarinas, 2017-2018). Néanmoins, il s’autorise parfois le kitsch total, comme dans cette série de natures mortes particulièrement éprouvantes. L’artiste déclare qu’il « aime les catastrophes ». C’est son droit. Quoi qu’il en soit, peut-on en vouloir à quelqu’un qui illustre parfaitement la phrase de Novalis : « En fin de compte, toutes nos sensations agréables sont des dissolutions de toutes sortes, des mouvements en nous des eaux originelles » ?(L’Eau et la mort, Jean Libis, Éd. universitaires de Dijon, 1993).

Miquel Barceló, océanographe,
jusqu’au 13 octobre, NMNM, Villa Paloma, 56, bd du Jardin-Exotique, 98000 Monaco.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : Barceló abyssal à Monaco

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