L'artiste espagnol se confie sur sa démarche artistique et évoque son enfance.
J’ai longtemps refusé d’écrire une autobiographie… Mon éditrice a insisté pendant dix ans ! Peut-être ai-je aujourd’hui atteint un âge où le temps est venu de me retourner et regarder mon passé. Cependant, je n’aurais jamais pu écrire une autobiographie classique. Il était essentiel pour moi de le faire dans une forme littéraire où le texte dialogue avec l’image. Cela me permet d’évoquer ma vie en commentant des photographies prises avec mon téléphone, ou en feuilletant mes carnets, qui font ressurgir des souvenirs. J’ai été heureux de me retrouver moi-même de cette façon ; j’aime les livres où jaillissent des images. Ce n’est pas un hasard si j’ai illustré la Divine Comédie de Dante (Actes Sud) !
Tout à fait. Je suis né dans un village de Majorque, en 1957, avant l’industrie touristique. J’y ai appris le nom des arbres et des oiseaux, ramassé des amandes, fait sécher des abricots, arpenté des chemins sauvages, tué des lièvres… La peinture est liée à l’enfance, et je me rends compte que toutes les intuitions que je développe dans mon œuvre ultérieure étaient déjà là quand j’avais 10 ans : ce qui nous échappe et qu’on tente de saisir, ce qui motive notre création, remonte à nos premières années. Après, on apprend et développe surtout des techniques. Je n’ai jamais choisi de devenir peintre. J’ai simplement toujours continué.
Ma mère peignait, et j’ai grandi dans une maison qui sentait la peinture à l’huile. Très jeune, j’ai eu un atelier où je pouvais peindre, moi aussi. Et de même qu’il me semble avoir toujours peint, je crois avoir toujours nagé. Quand je sortais sale de l’atelier, j’allais me laver dans les vagues. Et je me rends compte que peindre, pour moi, c’est un peu comme plonger. Comme Jackson Pollock, je travaille souvent en posant mes tableaux par terre… Je rentre en eux comme on s’immerge : j’attends, je retiens ma respiration, j’observe, comme on scrute un poisson quand on pratique la pêche sous-marine… et d’un coup, quand c’est le moment, on exécute des actions avec intensité et concentration, avant de remonter.
J’ai par exemple appris à travailler avec les termites, qui dévoraient mes œuvres et m’ont permis ainsi d’en créer de nouvelles ! Mais surtout, en Afrique, j’ai reconnu mon univers artistique. Mes peintures ressemblent au désert. J’y ai eu, aussi, des grottes pour atelier. La vie, la création ont alors pris pour moi un sens nouveau. J’ai pris conscience que mon travail était extrêmement proche de l’art pariétal : comme les artistes des grottes de la préhistoire, je ressens un besoin profond de peindre.
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Miquel Barceló : « Mon travail est extrêmement proche de l’art pariétal »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°774 du 1 avril 2024, avec le titre suivant : Miquel Barceló : « Mon travail est extrêmement proche de l’art pariétal »