La galerie Éric Dupont présente une récente série de fleurs par le peintre de la sensation et de l’instant.
Paris. Des glaïeuls ! Quand peindre des fleurs n’est pas vraiment dans l’air du temps, que dire lorsqu’il s’agit de glaïeuls, plus très à la mode… Il n’y a guère que Damien Cabanes pour se lancer dans une telle aventure. C’est d’ailleurs parce que l’on en trouve moins facilement que, à la vue d’un bouquet au supermarché, il a eu un déclic et l’a tout de suite acheté. « J’ai toujours besoin d’être interpellé, arrêté par un sujet avant de le peindre », indique l’artiste (né en 1959). Au total, il va réaliser sept toiles (2017). Pas plus, car très vite les fleurs vont flétrir et leur rouge se ternir. Trois sont accrochées à la galerie Éric Dupont ; elles témoignent comme très souvent chez Cabanes d’une subtile mélancolie et d’une extraordinaire fulgurance, ainsi que le soulignent ces traits de pinceaux de couleurs vertes pour évoquer les tiges, lancés dans l’espace comme des coups d’épée (une façon de rappeler que glaïeul vient du latin gladius qui veut dire glaive). « En travaillant sur les fleurs, je me disais que ça allait moins bouger qu’avec les êtres humains, mais c’est pire car elles changent du jour au lendemain », sourit-il.
Cette volonté de peindre l’âme des choses en choisissant des objets de proximité, ce rapport de « proxémie » comme aurait dit Roland Barthes, se retrouve dans trois autres œuvres qui figurent des cartons. Ceux qui, empilés les uns sur les autres, jonchent habituellement le sol de l’atelier de Cabanes avant d’être recouverts de couleurs et peints. Lorsqu’on l’interroge sur ce mode opératoire, il a cette réponse déconcertante de sincérité : « Au fond je n’ai pas beaucoup d’imagination. » Et d’ajouter : « J’ai besoin de ressentir et de percevoir les choses en vrai. C’est ce qui me permet, comme un déclencheur, de retranscrire, de redonner spontanément et de la manière la plus juste une sensation. » C’est sans doute aussi sa méthode pour faire surgir et suspendre d’une façon incomparable ses sujets dans l’espace et, en grand coloriste, pour conjuguer des couleurs la plupart du temps assombries à des éclairs de tonalités très vives. Autant d’aspects qui caractérisent également cette représentation de boîtes d’emballage en polystyrène, dont il a repeint les alvéoles et qui évoquent des architectures, des immeubles. Cabanes peint moins de personnages depuis quelque temps, « pour moins me focaliser sur une seule forme et au contraire les multiplier, pour en avoir plusieurs de couleurs différentes et mettre encore plus l’accent sur l’espace », dit-il.Il en présente toutefois quelques-uns, saisis de façon aussi furtive. Car de même que les fleurs fanent, les modèles bougent. D’où la nécessité d’une vitesse d’exécution pour saisir au vol l’instant, l’intime, l’émotion. « Je me suis dit un jour que je devais me laisser guider par ce que les contraintes me disent de faire, comme ça, il n’y a plus de problèmes. » Dans une fourchette allant de 15 000 à 35 000 euros, les prix sont raisonnables pour un artiste qui occupe une place importante, singulière, et qui présente là sa seizième exposition chez le même galeriste depuis vingt-huit ans. Une exposition intitulée « Caché par le trop grand glaïeul », en référence à Mallarmé, une référence en matière d’âme.
jusqu’au 20 juillet, galerie Éric Dupont, 138, rue du Temple, 75003 Paris.
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Damien Cabanes, la mélancolie des glaïeuls
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°503 du 8 juin 2018, avec le titre suivant : Damien Cabanes, la mélancolie des glaïeuls