Poussé la porte, le visiteur n’en croit pas ses yeux. Surtout, il ne sait pas comment faire pour entrer. Il y en a partout, du sol au plafond. Rarement on n’a vu d’atelier si encombré. Entre capharnaüm et décharge, celui que Damien Cabanes occupe quai de Seine est à l’image d’un artiste qui ne vit et ne respire que pour son travail.
Le lieu de tous les possibles
Des ateliers, Cabanes en a deux. Celui dont il dispose à Montreuil est exclusivement consacré à la sculpture et là, c’est du pareil au même. Voire pire. Faites-lui observer qu’il faudrait y mettre un peu d’ordre, ne serait-ce que pour pouvoir circuler aisément, et Cabanes vous répond que, justement, il l’a rangé avant que vous n’arriviez – et il éclate de rire.
N’allez pas croire que Damien Cabanes est négligent. C’est sa manière d’être. Tant qu’elles ne sont pas sorties de l’atelier et qu’elles ne sont pas encore destinées à être exposées, il traite ses œuvres comme des objets en devenir, susceptibles jusqu’au dernier moment d’être encore travaillés. Tant qu’une peinture n’est pas montée sur châssis, qu’une sculpture n’est pas cuite ou qu’un dessin n’a pas été extrait de son carnet, Cabanes considère que tout est encore possible : reprendre un élément de la composition, corriger le volume d’une forme, rectifier un trait. Quitte à s’apercevoir après-coup que cela n’était pas utile et que le travail est perdu. Il l’abandonne alors sans états d’âme et le laisse traîner dans un coin de l’atelier, pressé d’entreprendre autre chose.
Métro, boulot, expos
Damien Cabanes est boulimique. Il est incapable de dire le nombre de peintures qu’il fait en moyenne chaque année. La sculpture, c’est autre chose. Elle demande une mise en œuvre plus lourde, mais une fois que la machine est partie, seul l’épuisement du matériau arrête l’artiste. Peu importe si la place manque. Il entasse, il empile, il se laisse déborder. D’où ses incroyables problèmes de stock et de rangement. Même s’il a une juste mémoire du travail accompli, Cabanes n’est pas toujours à même de pouvoir s’y retrouver. Mais qu’importe, l’essentiel est de créer !
Damien Cabanes est un artiste qui travaille d’après modèles. Non des modèles professionnels – il a en sainte horreur leur fausse façon de poser –, mais des gens qui lui sont proches, des amis, des parents, auxquels il ne demande rien d’autre que d’être le plus naturel possible. Les séances durent en général une heure et demie et Cabanes leur demande de venir au moins trois fois. Il sait trop que ce n’est pas du premier coup que ça marche et qu’il lui faut le plus souvent trois séances : la première est celle où il fixe son sujet, la deuxième où il remet tout en question et la troisième où il conclut l’affaire, qu’elle soit réussie ou non.
Quand il ne travaille pas, Damien Cabanes est un vrai rat de galeries et de musées. Il adore y traîner ses guêtres, à l’affût de l’actualité la plus diverse. Non qu’il nourrisse son travail de ce qu’il voit – il n’a que faire des effets de mode –, mais cela le confirme dans ses choix. Ceux d’un artiste dont l’œuvre est du côté de l’incarné. La couleur et la chair, en quelque sorte.
1959
Naissance à Suresnes.
1983
Diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris.
1990
Exposition au Centre d’art de Brétigny-sur-Orge.
1996
Commande du Fnac pour Heureux le visionnaire.
1999
Le ministère de la Culture lui commande une œuvre pour le jardin des Tuileries.
2006
La « Force de l’art ».
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Damien Cabanes, être encombré ou ne pas être
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°614 du 1 juin 2009, avec le titre suivant : Damien Cabanes, être encombré ou ne pas être