À la station Roseraie de Toulouse les passagers sortant du wagon tombent sur douze puits de couleurs. Par cette touche de gaiété Damien Cabanes rompt avec le quotidien fonctionnel de l’espace public. Il nous fait marcher sur la peinture. Cabanes a conjugué sa construction en abyme avec le plan architectural. Car cette nouvelle station est entièrement construite par des volumes en souterrains : au premier sous-sol, la billetterie, au second, l’accès à la rame. Sur les quais faits de carrelages en grès gris, l’artiste a percé des trous de 2,20 m de profondeur, « ses châssis » de 150 x 100 cm sont paradoxalement placés à l’horizontale recouverts d’une dalle de verre.
La scénographie suit le concept classique de l’espace « feuilleté » du théâtre rythmé par sept à dix écrans successifs et qui se rétrécissent au fur et à mesure qu’ils s’enfoncent. Le regard surpris des voyageurs glisse sur les plans suggérant une ligne de fuite. Il est aspiré vers le fond par une dernière plaque jaune qui, par sa luminosité, renvoie vers l’extérieur suscitant ainsi un mouvement de va-et-vient. Chaque pan, derrière lequel sont fixés deux tubes néons, est badigeonné d’une couleur franche (rouge vermillon, violet, vert printemps, bleu et jaune citron) que l’artiste applique librement avec un large pinceau, de manière que l’on puisse sentir la vibration de la touche. « Je suis déjà émerveillé par les nuanciers des fabricants de couleurs », avoue Cabanes avec un sourire malicieux.
En contrepoint, les sculptures que l’on découvre à la galerie d’Éric Dupont sont des bases hérissées
de nombreuses boules colorées. Cependant la boule, qui est l’incarnation du poids et aussi la première matrice du sculpteur, renvoie chez lui davantage à l’insouciance, au plaisir des sucres d’orge, des boules de glace ou des bonbons gigantesques. Cet univers de sensations tactiles évoque la magie de l’enfance. En même temps, la gouache appliquée sur le plâtre, afin que la matière absorbe la couleur, évoque la technique des coloris tendres des fresques du Quattrocento. Aussi les portraits à fonds blancs, de grands formats de gouache sur papier, se caractérisent par une étonnante économie des moyens et un esprit ludique. Cabanes modèle par masses colorées, il saisit dans l’espace l’attitude des corps par de simples coups de brosse, des traits d’ombre et de lumière, d’une grande simplicité et d’une rare justesse.
« Damien Cabanes », PARIS, galerie Éric Dupont, 13 rue Chapon IIIe, tél. 01 44 54 04 14, 3 avril-15 mai. Ligne-Art à Toulouse : fondation pour l’Art contemporain, caisse d’épargne Midi-Pyrénées, 30 mars-8 mai.
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L’univers ludique de Damien Cabanes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°558 du 1 mai 2004, avec le titre suivant : L’univers ludique de Damien Cabanes