FRANCE
Kader Attia conserve la tête du classement des 4 000 artistes les plus exposés, et dans des lieux plus référencés depuis le début de leur carrière, suivi de Christian Boltanski qui prend la deuxième place. Quelques artistes progressent fortement dans le Top 250 publié dans ce dossier.
France. Stabilité, c’est ce que l’on retient d’abord du classement Artindex France 2020. Jusqu’au 40e rang, il n’accueille qu’une seule nouvelle venue, Olga Kisseleva. Huit artistes seulement intègrent le Top 100, quatre se hissent entre la 100e et la 200e place. Le Top 10 varie peu. Kader Attia y pointe à la première place pour la deuxième année consécutive, tandis que Laure Prouvost, ambassadrice de la France à Venise en 2019, y fait son entrée. Trois femmes (dont une en duo) figurent désormais parmi les 10 premiers du classement. Installé à Berlin, Anri Sala est moins présent dans l’Hexagone, où son dernier solo show, chez Chantal Crousel, date de 2018 – l’extrême sophistication de ses dispositifs vidéo immersifs, qu’il conçoit sur mesure pour chacun de ses lieux d’exposition, limite d’autant son ubiquité, ce qui explique son recul d’une place. Quant à Mounir Fatmi (-1), ses installations interrogeant l’obsolescence, plus que jamais d’actualité, sont régulièrement sélectionnées dans les expositions collectives et les biennales – telle que la dernière Triennale de Setouchi (Japon) –, mais en 2019 il n’a bénéficié d’aucune exposition personnelle dans une institution.
Célébré par le Centre Pompidou à travers une ample traversée de son œuvre – « Faire son temps » –, mais aussi par le National Art Center de Tokyo et le National Museum of Art d’Osaka, Christian Boltanski (photo en page 11) remonte de la 3e à la 2e place. Dans l’élan de sa dernière grande exposition au GropiusBau de Berlin, en 2018, on a remarqué davantage le travail de Philippe Parreno sur les foires (Fiac, Art Basel), mais aussi dans d’importantes expositions collectives, de la Fondation Beyeler à la Pointe de la Douane à Venise (+1). Les biennales contribuent aussi à renforcer la notoriété des artistes. C’est le cas de Laure Prouvost, à la Biennale de Venise 2019 (+2). Olga Kisseleva, présente pour sa part sur le Pavillon ukrainien lors de cette 58e édition, opère une remontée significative, de la 31e à la 14e place. Soutenue entre autres par le Frac Bretagne, elle a pris part à plusieurs expositions de groupe au Centre Pompidou.
En 2017, avec ses étudiants de la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD), Lili Reynaud Dewar réalisait Beyond the Land of Minimal Possessionsà Marfa (Texas), film critique sur le phénomène de consécration que cautionnent les institutions d’art. Sans, pour autant, y échapper. L’artiste performeuse n’a pas eu d’exposition monographique en 2019, mais son travail a cependant été très visible : sélectionnée parmi les membres représentatifs de la scène française – « Futur, ancien, fugitif » au Palais de Tokyo –, elle comptait au même moment parmi les artistes issus de la collection Lafayette Anticipations montrés au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (« You »), tandis qu’une de ses sculptures accueillait l’été dernier les voyageurs arrivant en gare de Montpellier, lors de l’événement « 100 artistes dans la ville ». Elle figure à présent dans le Top 30 (+7). Artiste explorateur naviguant entre l’art et la science, Julian Charrière, passé par le studio d’Olafur Eliasson, a intégré la Galerie Sean Kelly (New York) en 2017 – année de sa participation à la 57e Biennale de Venise – et s’impose à la 24e place (+12), seul trentenaire du Top 30 avec Neïl Beloufa, qui se maintient quant à lui à la 17e place.
Les expositions en solo dans de grandes institutions constituent d’importants accélérateurs de carrière. Après sa résidence à Lens, dans l’ancien presbytère réaménagé par Pinault Collection, Hicham Berrada a bénéficié d’une exposition au musée en vis-à-vis, le Louvre-Lens, ainsi qu’à la Hayward Gallery de Londres. Cette double actualité se traduit par un bond de 48 places. Il est le deuxième artiste contemporain auquel le Louvre-Lens a consacré une exposition personnelle, après Françoise Pétrovitch (photo ci-contre) en 2018. La peintre, dont l’œuvre a été présentée dans la Galerie des enfants au Centre Pompidou en 2019, poursuit une ascension plus tardive, mais irrésistible ; elle occupe désormais la 98e place avec un gain de 50 places. Zineb Sedira figure désormais dans le Top 50. C’est logique : le Jeu de paume vient de lui consacrer une « fausse rétrospective » revenant sur quinze ans de création, et l’on sait depuis fin janvier qu’elle représentera la France à Venise en 2021. Éric Baudelaire, prix Marcel-Duchamp 2019, progresse de 12 places et se positionne parmi les 50 premiers du classement – en 2019, son travail a été montré au Centre Pompidou, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (« You ») et au Crac, à Sète. L’automne dernier, il était l’un des auteurs des 26 projets retenus par la commission de la Fondation des artistes (dispositif d’aide privé doté d’une enveloppe globale de 250 000 €) comme Lili Reynaud Dewar et Françoise Pétrovitch, mais aussi David Douard (108e, soit 38 places gagnées). En 2015, le Musée d’art contemporain de Lyon consacrait sa première exposition personnelle à Antoine Catala, dont les panneaux en silicone coloré (It’s Over) accueillaient, l’an dernier, les visiteurs du Pavillon central de la Biennale de Venise : il se classe parmi les 100 premiers (+29).
Parmi les trentenaires à faire leur entrée dans le Top 100, Tabita Rézaire (85e place, +194) est la plus jeune ; en 2019, le Den Frie Center for Contemporary Art de Copenhague l’a mise en avant, et elle était à l’affiche de la deuxième édition de Cosmopolis au Centre Pompidou, ainsi que de l’exposition « Computer Grrrls » au MU d’Eindhoven et à la Gaîté lyrique à Paris. Outre Hicham Berrada, Marguerite Humeau et Clément Cogitore intègrent également le Top 100. La première, invitée par le Palais de Tokyo en 2016 et par le New Museum de New York en 2018, figurait au générique de l’exposition des œuvres de la collection Lafayette Anticipations (« You ») au Musée d’art moderne de Paris, et a exposé au Centre Pompidou, parmi les nommés 2019 du prix Marcel-Duchamp. Clément Cogitore (photo en page 13), lauréat pour sa part de l’édition précédente du prix, s’est vu confier par l’Opéra de Paris la mise en scène des Indes galantes de Jean-Philippe Rameau – parmi les dix meilleures productions lyriques de l’année 2019 selon le New York Times.
Citons aussi Pierre Buraglio, à l’affiche l’an dernier du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne, et Alain Séchas, exposé dans la sélection de « Futur, ancien, fugitif » au Palais de Tokyo, désormais parmi les 100 premiers.
Le travail d’Ida Tursic & Wilfried Mille est considéré comme l’un des plus représentatifs des évolutions de la peinture contemporaine. Nommé pour le prix Marcel-Duchamp 2019, le duo remonte à la 111e place (+43). Les narrations théâtrales de Pauline Curnier Jardin lui ont valu d’être régulièrement retenue dans de grandes expositions collectives. Après celui du MIT List Visual Center à Cambridge (2014), le Hamburger Bahnhof de Berlin lui consacrera un solo show en 2020. Claire Tabouret (photo ci-contre), vue dans plusieurs manifestations (Eldorama à Lille, Le Voyage à Nantes…), fait une percée (+56) ; on redécouvre l’ex-Memphis et toujours très active Nathalie Du Pasquier (+43), tandis que la notoriété de Marcos Avila Forero, lauréat du prix de la Fondation Ricard, ne cesse de s’affirmer. Quant à Fabienne Verdier (156e, +45), son succès commercial ne se dément pas, renforcé par la visibilité que lui a offert l’été dernier une exposition à Aix-en-Provence, au Musée Granet.
Parmi les nouveaux entrants du Top 200, un vétéran, Jean-Pierre Raynaud, et trois femmes : Julie Béna, Lola Gonzàles et Tatiana Lecomte. La nouvelle garde – Jean-Marie Appriou, Raphaël Dallaporta, Mélanie Matranga, Raphaël Barontini – perce dans les 300 premiers. Pas de prime au jeunisme cependant dans ce paysage où les moins de 30 ans sont rares : ils sont seulement deux à figurer parmi les 1 000 premiers : Nils Alix-Tabeling (839e) et Jean-Vincent Simonet (978e).
France. Faute d’expositions personnelles en 2019, Adel Abdessemed et Laurent Grasso sont en retrait – bien que Grasso ait bénéficié d’une forte visibilité sur Unlimited à Art Basel. Mircea Cantor, en vedette au Musée d’art de Nantes, mais aussi dans le cadre de l’année France-Roumanie, au Musée de la chasse, se maintient de justesse dans le Top 20. Latifa Echakhch, qui représentera la Suisse à Venise, perd, elle aussi, quatre places. À la baisse également des artistes encore peu établis (Aurélien Froment, le franco-anglais Alexandre Singh) ou ponctuellement moins exposés (Loris Gréaud, Bruno Peinado, Bernard Plossu, Pierre et Gilles, Stéphane Couturier, Babette Mangolte, Berdaguer & Péjus, Lionel Estève, Laurent Montaron, Marine Hugonnier et Brice Dellsperger).
Anne-Cécile Sanchez
Parité. Le poids de l’histoire pèse encore beaucoup sur la parité homme / femme. Les femmes artistes ne constituent qu’un petit tiers des 4 000 artistes vivants et actifs de la scène française. Et elles ne sont plus que 23 % dans le Top 100. Un taux à peine supérieur que dans le classement international. Malgré les efforts récents des musées, galeries et centres d’art en faveur de la parité, la surreprésentation des artistes hommes depuis des décennies dans les lieux d’exposition va lester pendant encore longtemps leur présence dans le classement. Rappelons que le classement prend en compte toutes les expositions depuis le début de la carrière d’un artiste. Un signe positif cependant, le pourcentage de femmes qui ont progressé de 100 places ou plus dans le classement entre 2019 et 2020 est de 40 % (37 % pour des gains de 10 places ou plus). Ce n’est pas encore la parité mais on s’en rapproche.
Jean-Christophe Castelain
Méthodologie. L’Artindex du Journal des Arts est un classement fondé sur le nombre d’expositions des artistes et l’importance des lieux où ils exposent. Chaque artiste vivant (ou décédé en 2019 ou 2020) reçoit un nombre de points calculé en prenant en compte toutes les expositions auxquelles il a participé (monographiques ou collectives) depuis le début de sa carrière, dans des musées, biennales, centres d’art ou galeries, en France et dans le monde entier. Les lieux d’exposition sont affectés d’un coefficient en fonction de leur importance (coefficient calculé par un algorithme d’Artfacts.net). Cependant, chaque année, les points des expositions anciennes sont diminués afin de mieux prendre en compte la dynamique.Les données sur les expositions sont fournies par la société allemande Artfacts.net. Créée en 2001, la société dirigée par son fondateur Marek Claassen administre la plus grande base de données au monde d’artistes (plus de 600 000), de lieux d’expositions (près de 30 000) et d’expositions (plus de 800 000). L’entreprise s’est donnée pour mission d’enregistrer toutes les expositions et les artistes exposés depuis le Salon des Refusés en 1863. Elle collecte ces informations par elle-même ou à partir d’indications de galeristes ou d’artistes qui sont ensuite vérifiées. Il est possible que des expositions manquent dans le parcours d’un artiste, mais dans l’ensemble les données sont très représentatives. Une grande partie de ces informations sont consultables en accès libre sur Artfacts.net. L’Artindex est composé de deux classements. L’Artindex France comporte 4 000 artistes vivants de la scène française, publiés sur le site LeJournaldesArts.fr. Les noms des 250 premiers sont publiés – et commentés – dans ce numéro du Journal des Arts. Cette année, les évolutions des 250 premiers artistes sont calculées à partir du classement général des 4 000 et non plus seulement du Top 250. L’Artindex Monde classe les 100 premiers artistes vivants (et non décédés en 2019 ou 2020) du monde entier ; les évolutions sont indiquées à l’intérieur du Top 100.
Jean-Christophe Castelain
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Artindex 2020 : Kader Attia et Christian Boltanski en tête
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°544 du 24 avril 2020, avec le titre suivant : Artindex 2020 : Kader Attia et Christian Boltanski en tête