En 2022, la justice de l’État de New York, épicentre du trafic, a ordonné la restitution de deux cents œuvres d’art illégalement acquises.
Italie. La salle octogonale des thermes de Dioclétien à Rome ne désemplit pas. Elle abrite le Museo dell’Arte Salvata inauguré l’été dernier pour accueillir les œuvres et vestiges archéologiques qui ont été sauvés du trafic illicite, des catastrophes naturelles et du vol. Ils sont exposés au public avant de rejoindre leurs lieux d’origine. Si le ministère de la Culture salue le travail du Commandement des carabiniers de la TPC (Protection du patrimoine culturel), le gouvernement italien est surtout reconnaissant des efforts des États-Unis en matière de restitutions. En particulier ceux du parquet de Manhattan qui, en 2017, a mis en place une unité de lutte contre le trafic international d’antiquités. New York est en effet l’un des épicentres de ce commerce illicite depuis des décennies. De nombreuses œuvres illégalement exportées et vendues abondent dans les collections privées de riches américains, mais surtout dans des galeries et des musées prestigieux, dont le Metropolitan Museum of Art.
Ces deux dernières années, plus de sept cents pièces d’une valeur de plus de 100 millions de dollars [93,8 M€] ont repris le chemin du Pakistan, du Cambodge, de l’Égypte, mais surtout de l’Italie. La Péninsule, qui regorge de « trésors » avec ses 90 000 églises, 40 000 châteaux et monuments, près de 4 000 musées et 240 sites archéologiques, est l’un des pays qui attise le plus les convoitises. Il a été ainsi le principal bénéficiaire des restitutions ordonnées par le parquet new-yorkais avec, en 2022, plus de deux cents œuvres pour une valeur de plus de 35 millions de dollars [32,8 M€].
Le 2 février dernier, une cérémonie au consulat général italien de New York saluait la quatrième restitution depuis l’été dernier. Celle de quatorze œuvres d’art volées d’une valeur de 2,5 millions de dollars [2,3 M€]. Un lot dans lequel figuraient une rare monnaie romaine du IVe siècle av. J.-C., une tête en marbre de l’empereur Hadrien datant de 200 av. J.-C., recherchée depuis 1995, et récemment exposée au Musée d’art de San Antonio au Texas, ou encore un vase antique ayant appartenu à la mécène et collectionneuse Shelby White et qui était, jusqu’à sa saisie, exposé au Metropolitan Museum of Art de New York.
Selon le communiqué de la justice américaine, ces œuvres bientôt rapatriées « avaient été volées et faisaient l’objet d’un trafic par les trafiquants d’art (italiens) connus, comme Giacomo Medici et Giovanni Franco Becchina ainsi que Robert Hecht », marchand d’art américain installé à Paris et décédé en 2012. Ces hommes « comptaient sur des gangs de pilleurs de tombes pour voler sur des sites archéologiques bien choisis car mal protégés, autour de la Méditerranée. Ils faisaient en sorte ensuite que les vestiges soient nettoyés, restaurés et dotés d’une fausse provenance avant d’être mis sur le marché auprès de salles de ventes ou de galeries du monde entier. »
Depuis le début des années 1970, on estime ainsi que 1,5 million d’objets (des statues aux amphores, en passant par les monnaies) ont été extraits du sol italien et vendus illégalement. Selon l’Observatoire international des archéomafias, ce trafic a impliqué 10 000 personnes pour un chiffre d’affaires annuel de 150 millions d’euros. 80 % des antiquités étrusques ou romaines vendues sur le marché auraient ainsi une origine clandestine. Le travail d’investigation des enquêteurs new-yorkais s’est ainsi concentré sur Michael Steinhardt, qui a dû restituer en 2021 environ 180 antiquités volées ces dernières décennies, d’une valeur de 70 millions de dollars [65,6 M€]. Il vise également Shelby White, veuve d’une légende de Wall Street. Elle s’est déjà dessaisie d’au moins une vingtaine d’objets d’une valeur de plus de 20 millions de dollars [18,7 M€], selon le New York Magazine. Ces derniers mois, certains de ces objets ont retrouvé leur pays d’origine.
Le gouvernement italien continue de réclamer des œuvres toujours entre les mains du Getty Museum de Los Angeles. Ce dernier a déjà été contraint de lui restituer plus d’une cinquantaine de pièces archéologiques. En septembre dernier, les sculptures en terre cuite antiques formant l’exceptionnel ensemble « Orphée et les Sirènes » faisaient ainsi leur retour à Rome. Mais l’Italie attend toujours celui de l’Athlète de Fano qu’elle estime illégalement acquis par le musée américain.
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L’Italie retrouve peu à peu ses antiquités volées
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : L’Italie retrouve peu à peu ses antiquités volées