EUROPE
La Commission et le Parlement européens ont revu à la hausse les crédits du programme « Europe Créative » qui s’élèveraient pour la période 2021-2027 à 2,2 milliards d’euros. Sous réserve que les blocages de la Hongrie et de la Pologne soient levés.
Bruxelles. La culture parente pauvre de l’Europe ? Pas toujours si l’on se réfère à son budget pour la période 2021-2027. La Commission européenne propose en effet tous les sept ans au Parlement européen et au Conseil européen un budget pluriannuel. Pour la période qui s’achève, son montant était de 908,4 milliards d’euros. Pour 2021-2027, il a finalement été fixé à 1090 milliards d’euros, soit 16 milliards de plus que prévu, auxquels s’ajoutent les 750 milliards du plan de relance européen « Next Generation EU ».
Ces 16 milliards de rallonge vont notamment bénéficier à la culture. Son programme principal intitulé « Europe Créative » a été l’objet d’intenses négociations entre le Parlement et le Conseil. En juillet, alors que la crise sanitaire frappait de plein fouet le monde culturel, Sabine Verheyen, eurodéputée allemande et présidente de la Commission culture et éducation, dénonçait un recul préoccupant des propositions de financement pour la culture. Ce sont finalement 2,2 milliards d’euros qui seront consacrés à Europe Créative, soit 600 millions de plus que prévu. Un demi-satisfecit pour Salima Yenbou, eurodéputée Europe Écologie, engagée sur les questions culturelles : « L’augmentation d’Erasmus et d’Europe Créative n’est pas suffisante pour répondre aux défis de l’inclusion et de l’écologie, mais chaque euro supplémentaire compte. »
Le budget d’Europe Créative est en effet très modeste à côté d’autres programmes européens. Pour la période 2021-2027, 314 millions d’euros seront en moyenne répartis chaque année entre les 27 États membres, sachant que des pays et organisations tiers à l’Union européenne (UE) sont aussi éligibles. C’est en apparence très peu. Mais d’autres fonds européens bénéficient au secteur culturel. En particulier le Fonds européen de développement régional, qui peut spécifiquement soutenir la protection et la valorisation du patrimoine culturel. En France, il a notamment permis de financer en partie le Louvre-Lens.
De même, dans le programme « Horizon Europe », consacré à la recherche, le sous-programme « Culture, créativité et société inclusive » veut répondre aux grands enjeux culturels de la société contemporaine. Son budget a lui aussi été renforcé grâce au Parlement. Tout comme celui d’Erasmus +, qui finance la mobilité étudiante, notamment dans les filières artistiques. Le programme « COSME », consacré à la compétitivité des entreprises, peut quant à lui soutenir le tourisme culturel.
En outre, depuis 2016, les PME des secteurs de la culture et des médias peuvent bénéficier d’une garantie financière de l’UE via le Fonds européen d’investissement (FEI) pour obtenir des prêts du secteur privé. BPI France a ainsi signé un accord avec le FEI en 2017 pour garantir des prêts à hauteur de 30 millions d’euros. La Commission estime que depuis sa mise en place, plus de 1 500 entreprises ont bénéficié du mécanisme pour des projets culturels totalisant 1 milliard d’euros.
Comment mesurer ce que la culture retire vraiment des fonds européens ? Une difficulté qu’a soulignée la Cour des comptes de l’UE en avril dernier. Son audit pointe l’éclatement des financements dans de multiples programmes, rendant leur évaluation complexe. « Les principaux objectifs stratégiques communs qui orientent l’action culturelle de l’UE […] ne sont pas traduits en objectifs opérationnels clairs. » La Cour ajoute qu’il est difficile de savoir ce que l’UE cherche à obtenir grâce à ces mesures. « Le nouvel agenda ne contient aucune disposition concernant le suivi de la réalisation des objectifs fixés, ni aucun indicateur permettant de mesurer l’état d’avancement. »
Car si la culture est un « vaste concept », selon la Cour des comptes, elle n’en est pas moins perçue comme une ressource et comme un facteur de croissance par les institutions européennes. Son poids économique attire indéniablement l’attention. Selon les statistiques d’Eurostat, en 2018, le secteur culturel employait 8,7 millions de personnes, soit 3,8 % de la population active. Le chiffre d’affaires du secteur représentait 4,2 % du PIB de l’UE. Sans parler de l’importance de la culture et du patrimoine dans l’économie du tourisme. Autant de raisons pour susciter l’intérêt des institutions européennes.
Encore faut-il, d’ici là, que les différends entre États membres puissent être réglés et que le budget soit voté par le Parlement d’ici le 31 décembre. Car, à ce jour, la Hongrie et la Pologne ont bloqué le plan de relance européen et le budget pluri-annuel refusant que les versements communautaires soient conditionnés au respect de l’État de droit.
Attributions. Les domaines d’intervention de l’Union européenne (UE) en matière de culture sont définis par l’article 167 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, qui dispose que l’action de l’UE « vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action ». Il s’agit donc d’une compétence d’appui et l’UE ne peut se substituer aux États membres, qui restent maîtres de leur politique culturelle. Dans ce cadre limité, le programme « Europe Créative » permet de subventionner des projets visant d’une part à préserver et défendre la diversité culturelle et linguistique, et d’autre part à renforcer la compétitivité de la culture et de la création. Pour cela, l’UE poursuit cinq objectifs : soutenir la capacité des secteurs culturels et créatifs à opérer à l’échelle européenne et internationale, favoriser la circulation des œuvres, la mobilité des acteurs culturels et en particulier celle des artistes, atteindre des publics élargis, et renforcer la capacité financière des PME dans les secteurs culturels et créatifs. Ce programme se décompose en trois enveloppes, l’une pour la culture (31 %), l’autre pour les médias (56 %) et enfin, la dernière pour soutenir l’entreprenariat (13 %).
Europe Créative a permis de lancer, entre autres, les journées européennes du patrimoine, le label patrimoine européen, et bien sûr les capitales européennes de la culture.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L’Europe accorde une rallonge à son budget Culture
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°556 du 27 novembre 2020, avec le titre suivant : 2,2 milliards d’euros pour le programme « Europe Créative »