En Allemagne, les recettes des musées, galeries et artistes ont plongé en 2020

Allemagne. Les chiffres sont impressionnants et révèlent l’ampleur de la crise. Les pertes de revenus provoquées par la crise sanitaire sur les industries culturelles et créatives en Allemagne pourraient atteindre cette année entre 11,5 et 31,8 milliards d’euros, selon le Centre de compétences pour l’industrie culturelle et créative de l’État fédéral (Kreativ Bund). Cette large estimation s’explique en raison des trois scénarios étudiés par les experts. Le premier imagine que le confinement imposé depuis le 2 novembre prendra fin au début du mois de mars. Le second prévoit une fermeture des musées, des galeries, des salles de concert et des cinémas jusqu’à la fin mars. Et le dernier prend comme hypothèse de travail une réouverture des institutions culturelles au début du mois de mars et une nouvelle fermeture dès la mi-avril et jusqu’à la fin mai en raison d’une hausse du nombre de malades liée à l’arrivée des variants dans tout le pays.

Un scénario plus pessimiste n’a pas été imaginé car les approvisionnements en vaccins prévus avant l’automne devraient préserver l’Allemagne de tout autre confinement. Angela Merkel a ainsi promis que tous les Allemands qui le souhaitent pourront être vaccinés avant la fin de l’été.

Pour faire ses estimations chiffrées, le Kreativ Bund a croisé les données de l’Office fédéral de la statistique et de l’Agence fédérale pour l’emploi avec les études sur l’impact du Covid-19 publiées par les différentes associations professionnelles du secteur culturel et créatif. Vingt-deux experts ont également été interrogés entre la fin du mois décembre et la première quinzaine de janvier pour connaître leur bilan de l’année passée et leurs prévisions pour 2021. Toutes ces données ont ensuite été analysées afin de publier des chiffres globaux.

L’an dernier, les revenus des industries culturelles et créatives se sont effondrés de 22,4 milliards d’euros à 151 milliards d’euros. Si certains secteurs comme les créateurs de jeux et de logiciels (-1 % à 49,7 Mds€), les éditeurs de livres (-6 % à 12,8 Mds€) ou les architectes (-6 % à 11,7 Mds€) ont passé la tempête sans trop de dommages, l’industrie cinématographique (-48 % à 5,2 Mds€), les professionnels de la musique (-54 % à 4,2 Mds€) ou les arts du spectacle (-85 % à 0,9 Md€) ont uniquement pu garder la tête hors de l’eau grâce aux aides publiques. Le 4 février dernier, le gouvernement fédéral a notamment doublé son plan de relance pour la culture en débloquant une enveloppe supplémentaire d’un milliard d’euros. Ces subventions sont attendues avec impatience par le secteur du patrimoine et des arts visuels.

Ce secteur, qui comprend les musées, les galeries et les artistes, a vu ses revenus chuter de 51 % l’année dernière, à 1,1 milliard d’euros. En 2021, son chiffre d’affaires pourrait remonter à 1,3 milliard d’euros si le confinement prenait fin au début du mois de mars, mais il risquerait de ne pas dépasser 900 millions d’euros si une nouvelle « mise sous cloche » du pays entrait en vigueur à la mi-avril. Il faut remonter plus de 20 ans en arrière pour retrouver des chiffres presque aussi bas. Cet effondrement spectaculaire frappe un secteur déjà très précaire par nature. Parmi les 49 200 personnes qui travaillent dans les galeries, les musées ou qui tentent de vivre de la vente de leurs productions artistiques, 27 900 sont considérées par l’administration comme des « mini-indépendants » avec des revenus annuels inférieurs à 17 500 euros, soit moins de 1 440 euros par mois. La fermeture des galeries et des musées représente donc une véritable catastrophe pour ceux qui devaient déjà lutter pour boucler leurs fins de mois avant même l’arrivée de la pandémie. Et si « les artistes ont été soutenus très rapidement [par l’État], certains travailleurs indépendants comme les guides se sont retrouvés dans des situations nettement plus précaires », regrette Paul Spies, le directeur de la Fondation du Stadtmuseum Berlin.

Toute crise peut toutefois avoir des aspects positifs. Le rapport de Kreativ Bund estime ainsi que l’épidémie a permis de renforcer la fidélité des clients réguliers envers les artistes et les marchands d’art avec lesquels ils avaient l’habitude de collaborer. Les salles d’exposition numériques mises en place dans l’urgence lors des confinements ont également accru la visibilité des galeries, des musées et des artistes.