Subissant une légère croissance statistique, le réseau connaît aussi de fortes disparités. Fondé sur l’enseignement du français, son modèle semble s’essouffler.
Antoine est entrepreneur à Rio de Janeiro dans les nouvelles technologies, expatrié depuis trois ans. Il fréquente l’Alliance française trois fois par an, pour voir une exposition ou une pièce de théâtre en français. Clara est Brésilienne, se rend à la même Alliance, à côté du consulat. Elle jette un coup d’œil sur la programmation culturelle en allant à ses cours de français : elle prépare son échange universitaire à Paris. À 7 000 kilomètres au nord-ouest, l’Alliance française de Tapachula, au Mexique, a été créée il y a dix ans, avec très peu de moyens. Cette ville moyenne frontalière du Guatemala est plus connue pour le passage des migrants clandestins que pour son activité artistique. Grâce à ses cours de français et son animation culturelle, l’Alliance a pris un rôle social particulier.
Disparités géographiques
Des petites Alliances de Madagascar aux récentes antennes en Chine, les plus de 815 Alliances françaises réparties dans 133 pays ont des schémas différents ; tantôt centre culturel urbain préempté par des expatriés dont le fonctionnement est rodé et la programmation assez traditionnelle, tantôt poste de l’influence linguistique française dans les zones reculées. Au total, 12 500 personnes (en équivalent temps plein), dont 300 sont détachées par le Quai d’Orsay, enseignent le français à un demi-million d’apprenants. La moitié des structures emploie moins de dix personnes. Avec un taux de 85 % d’autofinancement en moyenne, elles ont en commun leur indépendance, qui tient à leur dynamisme, à la qualité de l’enseignement et à l’attrait que le français exerce encore. Les aides financières venant du siège ou des ambassades sont ciblées : lors du lancement de l’Alliance ; en cas de difficulté ; ou pour des projets pilotes. Le réseau, coordonné par la Fondation Alliance française depuis 2007, réalise au total près de 220 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Les disparités géographiques sont fortes. Depuis la chute du Mur de Berlin, l’Europe de l’Est voit la demande décroître. L’Italie, longtemps premier réseau, recule, tandis que l’Angleterre compte parmi les rares pays à avoir ouvert récemment de nouvelles Alliances. À l’inverse de l’Europe, l’Amérique latine, avec 25 % du nombre total des antennes au monde et 36 % de celui des apprenants, reste un solide bastion de la francophilie : 60 Alliances au Brésil, 54 en Argentine, 34 au Mexique.
Disposant de 15 % des effectifs à peine et affichant des résultats en légère baisse, l’Afrique interroge sur son cas. D’une part, « le pouvoir d’achat y est structurellement faible », explique Bertrand Commelin, secrétaire général de la Fondation. D’autre part, la demande est moindre dans les pays francophones. Enfin, la concurrence est réelle, qu’elle vienne des Allemands (Goethe-Institut), des Anglais (British Council) ou plus récemment de la Chine, dont l’Institut Confucius investit le continent.
En Afrique, 40 % de l’activité a lieu à Madagascar, un cas particulier dû au système éducatif local précaire, qui « envoie beaucoup d’étudiants vers nous », explique-t-on à l’Alliance d’Antananarivo.
L’Asie dynamique
En Asie, qui recense depuis peu plus d’étudiants que l’Europe, le dynamisme est net, notamment en Inde et en Chine. « Nous devrions ouvrir cinq nouvelles alliances en 2017. Les inscriptions aux examens délivrant les diplômes d’études (DELF) ou diplômes approfondis (DALF) en langue française doublent chaque année depuis 2013 », explique-t-on à la délégation générale de la Fondation en Chine et Mongolie, à Pékin. Le constat est simple, relève Jérôme Clément, président de la Fondation : « Hormis quelques cas particuliers, comme l’Europe de l’Est, nous progressons à l’aune de la croissance économique. »
Les Alliances françaises auraient-elles atteint un plafond ? Pour le président, la légère baisse du financement public de l’ordre de 5 % (1) freine les investissements lourds dont le réseau a besoin. Dans le cadre du plan « Alliances 2020 », un important volet numérique a pourtant été prévu : cours en ligne, communauté d’apprenants, etc. Dans cette optique, la Fondation a lancé l’opération « 1 million d’amis » sur les réseaux sociaux. En donnant un euro pour financer des projets d’intérêt général proposés par les alliances, chaque inscrit est mis en relation avec un correspondant et participe à une communauté dont l’animation reste pour le moment assez floue (forums, vidéos, etc.). L’opération reste intéressante, notamment pour mesurer l’« engagement » (numérique) de la communauté, sa réactivité. Mais entre la modestie des moyens affectés et certaines barrières (pas de Facebook en Chine), l’opération plafonne sous les 10 000 amis un mois après le lancement. Pourtant, la communauté des 560 000 élèves dénombrés de par le monde est bien réelle (les cours sont payants, il y a un diplôme à la clé : l’assiduité est donc forte).
La Fondation Alliance française dispose, selon son président, « d’un réseau d’une force exceptionnelle ». Reste que la vision politique et les moyens semblent manquer, pour imprimer à la tête de pont du réseau le même dynamisme qui anime les 815 Alliances. Si le recul des chiffres en Europe et en Afrique est compensé par la croissance asiatique, la question du long terme reste posée pour « la première ONG culturelle du monde », comme la nomme si bien Bertrand Commelin.
Environ 1,6 million d’euros pour la Fondation en 2013, auxquels il faut ajouter 5,7 millions de subventions allouées directement par les ambassades aux Alliances locales, contre 1,59 million d’euros en 2014.
Plusieurs organismes se partagent l’action culturelle française à l’étranger, alimentant une critique récurrente sur la visibilité et la cohérence de leurs missions respectives. L’Institut français (au singulier) : établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), il est placé sous la double tutelle du Quai d’Orsay et du ministère de la Culture et de la Communication. Anciennement « CulturesFrance » (ex-Afaa), cet opérateur propose projets, contenus et moyens au réseau culturel français à l’étranger. Ce réseau est constitué : - des instituts français (au pluriel) : ils sont 96, placés sous la tutelle directe du Quai d’Orsay, avec pour mission le rayonnement de la culture française. La dénomination « centres culturels », longtemps utilisée, est en cours d’abandon ; - des Alliances françaises : 815 établissements de droit local, fédérés par la Fondation Alliance française. La plus grande, basée à La Havane (Cuba), compte plus de 10 000 élèves. Parallèlement à ce réseau, les services de coopération et d’action culturelle, dans les grands pays, sont l’outil direct de l’ambassadeur en matière culturelle.
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Les Alliances françaises marquent le pas
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°470 du 6 janvier 2017, avec le titre suivant : Les Alliances françaises marquent le pas