PARIS
L’ancien directeur du Louvre suggère un processus administratif de restitution des biens culturels « coloniaux », reposant sur neuf critères votés par le Parlement.
France. À l’heure où Le Journal des Arts part à l’impression, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, s’apprête à rendre publiques les grandes lignes de la future loi sur la restitution des biens culturels issus de la période coloniale, après avoir annoncé les contours de la loi sur la restitution des biens volés par les nazis. Un troisième texte relatif aux restes humains est en préparation.
Ces trois textes prennent leur source dans un rapport commandé par Emmanuel Macron à Jean-Luc Martinez révélé cette semaine mais dont le gouvernement connaît le contenu depuis plusieurs mois. S’agissant du premier texte, le plus sensible, la ministre pourrait reprendre plusieurs des préconisations de l’ancien président-directeur du Louvre, aujourd’hui ambassadeur thématique. Celui-ci recommande de définir l’étendue géographique de la loi-cadre à l’Afrique (un moyen terme, en quelque sorte, entre une portée universelle et les anciennes colonies françaises) et d’instituer neuf critères de « restituabilité ». Une fois la loi-cadre votée, chaque demande de restitution formulée par un État serait traitée par une commission bilatérale (France et pays demandeur) qui comprendrait un comité scientifique chargé de remettre un rapport sur l’opportunité ou non de la restitution. Ce rapport ne serait que consultatif et il reviendrait au Conseil d’État de décider par décret de la restitution, en confrontant l’avis du comité scientifique aux critères de « restituabilité ». Cette loi-cadre éviterait ainsi au Parlement de devoir voter un texte pour chaque demande de restitution, comme cela a été fait, en 2020, pour le trésor de Béhanzin rendu au Bénin.
Critères de « restituabilité »
L’enjeu principal de la future loi, qui pourrait être rédigée avec le Sénat, réside dans les critères de « restituabilité ». Parmi les neuf formulés par Jean-Luc Martinez, deux sont centraux et concernent le mode d’acquisition des biens réclamés. Pour être restitué, un bien doit avoir été acquis illégalement, au regard – et c’est très important – des lois applicables en France ou sur le territoire d’origine du bien, au moment de l’acquisition. Alternativement, le bien doit avoir été acquis illégitimement. En d’autres termes, celui qui a donné ou vendu le bien à la France en était-il le légitime propriétaire ? Les autres critères sont soit très formels (la demande doit émaner d’un État et non d’un groupe ethnique, elle doit concerner des objets spécifiques…), soit très subjectifs (l’État demandeur doit s’engager à présenter les biens au public…).
Au vu de ces critères, l’étude d’impact sur laquelle les experts du ministère ont commencé à travailler indiquerait que seuls 300 objets africains sur les 85 000 que possède le Quai Branly seraient concernés. C’est ce qui fait dire à Jean-Luc Martinez « qu’il n’y a pas tant d’objets mal acquis, de sorte que les musées français auraient grand intérêt à affronter cette histoire ». Et si les critères ne sont pas remplis ? Le diplomate propose alors d’éluder la question de la propriété et de prêter les œuvres pour un temps plus ou moins long dans ce qu’il appelle le patrimoine partagé.
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Le rapport Martinez à l’origine des projets de loi de restitution
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°610 du 28 avril 2023, avec le titre suivant : Le rapport Martinez à l’origine des projets de loi de restitution