ROYAUME-UNIS
Les deux pays ont conclu un accord de prêts d’objets d’art à long terme, sans parvenir à résoudre le problème de la propriété.
Royaume-Uni et Ghana. Après 150 ans d’exil, plusieurs « bijoux de la couronne » du royaume d’Ashanti vont faire leur retour au Ghana. Divers prêts ont été annoncés le 25 janvier entre le British Museum, le Victoria and Albert Museum (V&A) et le Musée du palais de Manhyia à Kumasi, la capitale de la région Ashanti, au sud du Ghana. Ce partenariat est le résultat de négociations menées lors de la visite officielle à Londres de l’Asantehene (roi d’Ashanti), Otumfuo Osei Tutu II, en mai 2023. Ces « regalia » en or, un ensemble d’objets symboliques de la royauté et de la spiritualité des Ashantis, serviront notamment à commémorer le 150e anniversaire des guerres anglo-ashantis de 1873-1874 et le jubilé d’argent d’Osei Tutu II en 2024.
Mais le Ghana peut-il se réjouir d’un prêt d’objets qui lui ont été volés ? Car ces pièces, comme tant d’autres, sont entrées dans les deux institutions britanniques notamment sous la forme de butins militaires et personnels après avoir été pillées en 1874. Alors que le British Museum possède la plus grande collection de ces regalia d’or au Royaume-Uni, l’institution indique n’avoir reçu qu’une seule demande officielle de restitution de la part du Ghana, le 2 janvier 1974 à laquelle il a répondu, comme pour les autres demandes, que depuis une loi de 1963, il est légalement impossible pour le musée de rendre des objets de façon permanente. Cette première demande a toutefois marqué le début d’une collaboration entre les deux pays dont la création du Musée du palais de Manhyia est le fruit, les Britanniques ayant participé à son établissement, notamment en formant le personnel. En 2010, une nouvelle demande de restitution a été présentée par le roi Osei Tutu II. En réponse, une nouvelle collaboration a été conclue comprenant notamment l’extension du musée au sein du palais, qui devrait ouvrir ce printemps. La problématique est la même du côté du V&A depuis une loi de 1983. Le musée s’efforce d’établir des partenariats similaires. Les 17 pièces du V&A seront prêtées pour une durée de trois ans dans le cadre d’un contrat renouvelable. Les 15 pièces du British Museum ont été prêtées pour une durée de trois ans et devraient revenir en 2027. Mais le musée n’exclut pas une révision du contrat à l’approche de la date d’expiration. Ce prêt pourrait même ouvrir la voie à d’autres prêts ou à d’autres types d’arrangements culturels comme des événements ou des programmes de recherches.
Ces prêts sont ainsi devenus l’une des stratégies de contournement des demandes de restitution pour les deux institutions britanniques. C’est aussi pour elles une façon de collaborer avec d’autres pays ou d’autres communautés dans le respect de la loi. Car si les lois britanniques ne sont pas immuables, il n’est pas du ressort des musées de les changer. « Le parlement pourrait modifier ces différentes lois, confirme Alexander Herman, directeur de l’Institute of Art & Law. Mais le gouvernement actuel ne s’y intéresse pas. Il a adopté une position politique forte contre la restitution. » Malgré les élections générales à venir, Barnaby Phillips, auteur d’un ouvrage sur les bronzes du Bénins (Loot: Britain and the Benin Bronzes, Oneworld Publications, 2021), estime que le résultat des élections ne changera pas la donne. « Si le Labour [le parti d’opposition] devait l’emporter, les travaillistes auront beaucoup à faire, indique-t-il. S’avancer sur le terrain des guerres culturelles ne sera pas leur priorité. » Le prêt de plus ou moins longue durée n’en reste pas moins une solution pragmatique, qui présente un intérêt culturel et diplomatique. « Tout effort visant à favoriser le dialogue et la coopération entre les institutions et les gouvernements à l’échelle mondiale est bénéfique pour le partage des connaissances et pour rendre l’art accessible à un public plus large », affirme Petra Warrington, spécialiste des questions d’art au sein du cabinet d’avocats Wedlake Bell. Cet arrangement relance en le compliquant notamment le débat sur la propriété des marbres du Parthénon, comme l’explique Catharine Titi, professeure associée au CNRS. « Un prêt signifierait que le British Museum ne possède pas seulement les marbres, mais qu’il en est également le propriétaire », écrit-elle sur son site. Raison pour laquelle, selon elle, un pays comme la Grèce ne pourrait jamais accepter ce compromis.
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Prêts au Ghana, le Royaume-Uni contourne les demandes de restitution
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Prêts au Ghana, le Royaume-Uni contourne les demandes de restitution