Antiquaire - Justice

Faux meubles : prison requise contre tous les prévenus dont Laurent Kraemer

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 2 avril 2025 - 848 mots

Le parquet considère que tous les prévenus sont coupables et a requis plusieurs mois de prison contre les marchands.

Allégorie de la justice. © Pixabay License
Allégorie de la Justice.
Courtesy Pixabay

Hier mardi, le cinquième jour d’audience dans l’affaire des faux meubles vendus notamment à Versailles, était consacré le matin aux plaidoiries des avocats des parties civiles et l’après-midi aux réquisitions du procureur. C’est d’abord Corinne Hershkovitch, l’avocate du Château de Versailles, qui se lève pour donner son point de vue sur les 4 lots litigieux acquis entre 2008 et 2012 par l’établissement public.

Elle rappelle la mission de remeublement et de conservation des conservateurs du château et souligne que « Bill Pallot et Bruno Desnoues en étaient les piliers, y étaient associés », le premier était la référence en matière de mobilier royal, le second restaurait le lit de Louis XVI. « Ils ne pouvaient ignorer que les meubles présumés faux avaient été acquis par le château » assène-t-elle. L’avocate demande que le tribunal les reconnaisse coupables de tromperie et les condamne à rembourser les 200 000 euros reçus pour la vente de la bergère estampillée Sené livrée pour Madame Élisabeth au château de Montreuil, les autres meubles ayant été remboursés.

Me Jean-Jacques Neuer est l’avocat de la famille Guerrand-Hermès qui avait acquis en 2008 une chaise Jacob - présumée livrée pour le Cabinet de la Méridienne de Marie-Antoinette à Versailles - pour la somme de 530 000 € par l’intermédiaire d’Éric de Saint-Seine. Il demande réparation au titre du préjudice matériel – rappelant que la chaise authentique, déjà en possession de la famille depuis 2000, s’est vendue près de 2,6 M€ en 2023 – et au titre du préjudice moral dû à l’humiliation et à l’abus de confiance subis par la famille. Un peu plus tard, l’avocate d’Éric de Saint-Seine intervient plaidant que son client avait été trompé par Bill Pallot et Bruno Desnoues, alors qu’il avait pris toutes les précautions nécessaires, qu’il était une victime, que sa réputation en a été durablement entachée – et demande réparation pour ce préjudice.

Puis ce fut le tour de l’avocat de Sotheby’s de prendre la parole concernant l’autre fausse chaise Jacob vendue au Château de Versailles par l’intermédiaire de la maison de ventes. Sotheby’s, ayant remboursé les 380 000 € (plus sa commission de 40 000 €) à Versailles, se retourne désormais contre Bill Pallot et lui demande de lui rembourser les 380 000 € plus, 20 000 € au titre du préjudice moral.

Me Alexis Fournol, avocat de la Compagnie National des Experts (CNE), après avoir souligné que Bill Pallot a abusé de ses compétences techniques et de sa réputation, a affaibli la défense de Laurent Kraemer en contredisant les dénégations de l’antiquaire, selon lesquelles il n’avait pas accès au château pour y examiner les sièges et faire des comparaisons. Or, dans une vidéo sur YouTube qui reprend l’émission Nec Plus Ultra diffusée en 2012, on le voit entouré des siens au Petit Trianon à Versailles, en train d’examiner devant les caméras des meubles du château, notamment une des chaises du Belvédère. « Donc il était possible de mettre en œuvre toutes les diligences qui ont été évoquées », a conclu l’avocat, ce qu’a confirmé en aparté Laurent Salomé, le directeur du Château de Versailles : « le château étant un établissement public, il est possible que les experts puissent examiner les meubles ». La CNE demande à être indemnisée au titre du préjudice moral, de 1 euro pour chacun des prévenus.

Les réquisitions du procureur

L’après-midi, c’était au tour du procureur de porter le fer, après avoir rappelé les peines encourues, notamment au titre de l’article 231-1 du Code de la consommation en vigueur au moment des faits. Pour les ployants de Foliot, « n’ayant pas d’éléments probants, les charges sont abandonnées ». Mais pour les six autres lots, le procureur estime qu’ils sont coupables.

Pour Bill Pallot, il a requis, pour les délits de tromperie, blanchiment et fraude fiscale, 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis, 300 000 € d’amende, une interdiction d’exercer en tant qu’expert pendant 5 ans et la confiscation de ses biens immobiliers saisis. « Je ne m’attendais pas à ce que le procureur requière une interdiction d’exercer. Pour moi c’est toute ma vie. Et mon appartement est toujours sous saisie conservatoire », a lâché, un peu abattu, l’intéressé.

Pour Laurent Kraemer, il a requis, concernant la paire de chaises « du Barry » et celles du Belvédère, retenant le délit de tromperie et de blanchiment, 12 mois de prison avec sursis, 80 000 € d’amende, la confiscation des saisies en numéraire. Il demande également pour la société Kraemer & Cie 700 000 € d’amende.

Pour Desnoues, il a requis 2 ans de prison, dont un an avec sursis, 100 000 € d’amende, une interdiction d’exercer pendant 5 ans et la confiscation des 205 000 € trouvés dans le coffre de son atelier.

Huit mois de sursis et 150 000 € ont été requis à l’encontre d’Éric de Saint-Seine, tandis que 10 mois avec sursis (8 pour sa femme) ont été requis à l’encontre du chauffeur-livreur Joaquim Dias Da Costa, avec une amende conjointe de 50 000 € et la confiscation du bien immobilier – son domicile – à Sarcelles. Le procureur a également demandé la saisie des meubles litigieux mis sous séquestre à Versailles.

Aujourd’hui c’est au tour des avocats de la défense de tenter d’inverser le cour du procès.

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