Bourges (Cher). Il reste trois années à la ville de Bourges pour mettre en place tout ce qu’elle a promis de faire en 2028 lorsque sera inaugurée la Capitale européenne de la culture. C’est peu lorsque le projet comporte encore beaucoup de zones floues. Yann Galut, maire de la ville, a fait appel il y a quelques mois à Frédéric Hocquard pour piloter le projet en tandem avec le commissaire artistique Pascal Keiser. En tandem, mais le nouveau délégué général entend bien
« avoir le final cut », selon ses propres termes, c’est-à-dire la décision finale. Frédéric Hocquard et Yann Galut se connaissent bien, ils sont tous deux au Parti socialiste et ont appris à travailler ensemble au sein de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture que Hocquard a présidée de 2021 à 2024. Ce dernier est lui-même élu, à la Ville de Paris, où il est adjoint au tourisme et à la vie nocturne.
Le tourisme, justement. Première décision du délégué général : organiser la cérémonie d’ouverture en décembre 2027 plutôt qu’en janvier 2028 afin de mieux coller à la saisonnalité du tourisme. Et cela se voit dans les chiffres, du moins dans les estimations puisque le nombre de spectateurs attendus passe, dans la nouvelle version du « bid book » (le projet détaillé dans un livret) de 100 000 à 200 000.
Le format de la cérémonie ne change pas – comme l’architecture générale de la programmation – et reste axé sur les musiques actuelles et la création artistique. Le Printemps de Bourges est un festival qui a beaucoup fait pour la notoriété de la ville berrichonne. Seule inquiétude, Thomas Jolly, le directeur artistique de la cérémonie d’ouverture des JO 2024, a fixé la barre tellement haut qu’il va être difficile avec un budget dix fois moindre d’être au niveau.
La disponibilité incertaine des lieux d’exposition
L’enjeu principal est lié à la disponibilité des lieux patrimoniaux. Déjà, entre la première version du projet en février 2023 et la seconde en novembre de la même année, Bourges a fait l’impasse sur la rénovation du
« Grand Musée » (soit la fusion des quatre musées existants) pour se concentrer sur la rénovation du Musée Estève (680 m²) et de l’hôtel Lallemant (500 m²) afin de pouvoir les ouvrir en 2027 (budget 10 millions d’euros). Mais ces deux lieux ne sont plus mentionnés dans le troisième projet, rédigé au printemps 2024, et l’on peine à savoir où se dérouleront les expositions phares sur les « pleurants » et les « Très riches heures du duc de Berry ». Le palais Jacques-Cœur doit entreprendre, en 2026 et 2027, des travaux d’alarme anti-incendie et anti-intrusion. Le site central de la Capitale est lui-même en travaux. L’hôtel-Dieu (1 300 m²) doit en effet accueillir fin 2027 le projet phare d’une « Cité européenne des artistes-Melina Mercouri ». Le montant estimé des travaux a triplé en quelques mois, passant de 1,2 millions d’euros à 3 millions d’euros.
« Tout cela va bouger », concède Frédéric Hocquard qui évoque la possibilité d’utiliser des bâtiments de l’industrie de l’armement. Car Bourges – ce que les dossiers se sont bien gardés de mentionner – héberge depuis Napoléon III des fleurons de cette industrie, qui ont pris une nouvelle dimension depuis le décollage des ventes des avions Rafale et surtout de la guerre en Ukraine. C’est notamment le cas de la société MBDA qui fabrique les missiles antiaériens Aster.
Un appel « à intentions », afin de ratisser large
La Cité Melina-Mercouri est d’autant plus importante qu’elle se trouve au centre du dispositif d’appels à projets. Une partie de la programmation repose en effet sur des animations qui n’ont pas encore été définies, comme c’est le cas à l’abbaye de Noirlac. L’équipe de Bourges 2028 vient d’annoncer le calendrier : à partir de 2025 et jusqu’à 2027, les acteurs culturels locaux ou européens pourront déposer un projet avant le 15 avril de chaque année pour une décision en décembre. C’est entre ces deux dates que réside la singularité de la démarche : les candidats seront accompagnés par des permanents de Bourges 2028 qui les aideront à affiner leurs projets, les guideront dans la recherche de financement complémentaire voire leur proposeront de s’associer entre eux.
Frédéric Hocquard, qui a dirigé l’agence d’ingénierie culturelle d’Île-de-France Arcadi avant que celle-ci ne soit sabordée par la présidente de Région, et qui est donc très au fait de ces démarches, préfère parler d’appel à
« intentions » et ratisser large.
« Sinon ce sont toujours les mêmes structures qui tentent de placer un projet pas forcément adapté et qui font la chasse aux subventions », explique-t-il. Bourges a prévu une enveloppe de 5 millions d’euros pour financer ces projets en escomptant un effet de levier : chaque candidat est en effet incité à trouver un autre partenaire financeur.