PARIS
Thomas Jolly est le directeur artistique des cérémonies des Jeux Olympiques de Paris 2024. Rencontre à quelques jours d’un événement planétaire en procession sur la Seine.
Le spectacle ne se prépare pas dans un lieu hermétique au monde, mais dans des hangars aux dimensions des tableaux inspirés par les sites de Paris. Nous recevons en ce moment des costumes et des éléments de décors. C’est une période joyeuse de « sortie dans le réel ». Nous investirons les quais vers la mi-juillet. Nous répéterons alors de manière morcelée pour garder intacte la surprise du spectacle.
Je puise chaque jour dans mes expériences passées. J’ai connu des projets lourds comme Henry VI et Richard III, réunis pour 24 heures de spectacle. L’opéra m’a appris la coordination de tous les corps de métiers. La cour d’Honneur au Festival d’Avignon m’a aussi permis de me confronter à un élément naturel puissant, comme le mistral. À Paris, on a tout : le vent, le soleil, le fleuve… Et je n’imagine pas un plan B !
Ce sera une procession, une « pompa » comme on disait dans la Rome antique quand on amenait les dieux jusqu’au stade. J’ai ressenti le besoin de revenir aux sources des mythes autour des Jeux. La Seine, en latin Sequana, nous donne un premier fil rouge. Sequana est une déesse gauloise qui résiste à un dieu qui l’oppresse. Elle incarne pour moi une forme de lutte contre le pouvoir, notamment masculin. L’autre mythe qui m’a intéressé est celui d’Iphitos, roi d’Élide. Au VIIIe siècle avant J.-C., il aurait consulté l’Oracle pour rétablir des Jeux olympiques tombés en désuétude afin de mettre fin aux maladies et aux guerres qui décimaient alors le monde grec.
Il y a dans l’ADN même des JO cette fonction curatrice et pacificatrice. C’est une respiration salutaire dans les temps que nous traversons. Notre maladie, aujourd’hui, n’est pas la peste, mais la division, les extrêmes, le repli identitaire. La guerre est aux portes de l’Europe. C’est important de montrer que la France ne s’est pas construite sur ces valeurs.
On ne peut plus penser ce genre d’événements mondiaux en faisant comme si de rien n’était. Paris 2024 a construit son projet global sur l’utilisation des ressources existantes, avec peu de constructions nouvelles. Pour la cérémonie, tout a été pensé pour protéger le fleuve. Rien ne tombera dans la Seine qui pourra polluer et menacer les habitats naturels. Démarrer la cérémonie à 19 heures 30 nous permettra de bénéficier de la lumière naturelle pendant deux heures, minimisant l’utilisation de lumières. Paris sera éblouissant au soleil couchant. Le meilleur créateur lumière ne fera jamais plus beau que ça ! Plutôt que de renoncer aux grands rassemblements festifs, je pense que nous pouvons continuer à célébrer ensemble les valeurs du sport, dans le respect de l’environnement. Le soir de la cérémonie, il y aura finalement moins de bateaux qu’un soir normal à Paris !
La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 aura lieu le vendredi 26 juillet, de 19 heures 30 à 23 heures, sur un parcours de 6 km le long des quais de Seine, du pont d’Austerlitz au pont d’Iéna.
18 000
C’est le nombre de personnes mobilisées pour la cérémonie d’ouverture. 330 000 spectateurs sont attendus, ainsi que 2 milliards de téléspectateurs.
« Pour moi, telle que Thomas Jolly l’emmène, cette cérémonie d’ouverture a le potentiel pour devenir le plus grand événement qu’on n’ait jamais vu dans le pays. » Thierry Reboul, directeur exécutif des cérémonies, La Provence, 21/04/24.
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Thomas Jolly dévoile les grandes lignes de la cérémonie d'ouverture des JO
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Thomas Jolly : « La cérémonie sera une “pompa”, comme dans la Rome antique »