BARCELONE / ESPAGNE
Une manifestation au Musée Picasso veut rappeler le rapport violent de l’artiste avec ses femmes et maîtresses.
Le 27 mai, sous forme d’une « action silencieuse » au Musée Picasso de Barcelone, un petit groupe d’étudiantes en art mené par leur professeure, a voulu attirer l’attention du public sur le comportement de l’artiste envers les femmes.
Debout, silencieuses et dignes devant les toiles du maître, la poignée d’étudiantes de l’Escola Massana et leur mentor arborent des t-shirts portant comme inscriptions « Picasso, agresseur de femmes », « Picasso, l’ombre de Dora Maar » - une de ses maîtresses et muses, elle aussi peintre - ou « Picasso, Barbe-Bleue » en référence au fameux conte de Perrault dont le protagoniste assassinait ses épouses.
Maria Llopis, leur professeure, a déclaré à Artnet News qu’il s’agissait pour elles de « parler de ce qu’il s’était vraiment passé ». Elle fait référence aux propos misogynes, suspicions d’abus et violences, cruauté qui étaient le fait de Picasso envers ses compagnes et muses.
Certaines des déclarations de Picasso à propos des femmes sont choquantes, surtout à la lumière de notre époque. Il a par exemple divisé les femmes en deux catégories : déesses et paillassons, et déclaré « chaque fois que je quitte une femme, je devrais la brûler. En détruisant la femme, on détruit le passé qu'elle représente ».
Picasso a eu de nombreuse femmes et maîtresses, dont six ont eu une influence très forte sur sa vie et son œuvre. Ses muses, sujets de nombreux de ses tableaux, étaient souvent beaucoup plus jeunes que lui : Dora Maar avait 28 ans et lui 54 lors de leur rencontre, quand Françoise Gilot en avait 21 et lui 63.
Ces histoires d’amour passionnées ont une face cachée. Ainsi sa petite-fille, Marina Picasso, écrit dans ses mémoires « Il soumettait [les femmes] à sa sexualité animale, les apprivoisait, les ensorcelait, les ingurgitait et les écrasait sur sa toile. Après avoir passé de nombreuses nuits à extraire leur essence, une fois vidées de leur sang, il s'en débarrassait ».
Sophie Chauveau, auteure d’une biographie de l’artiste, affirme qu’il « aura haï les femmes qu’il a eues au point de les battre et les enfermer ». L’artiste danois Olafur Eliasson a déclaré que « Picasso abusait des femmes comme un Harvey Weinstein de son époque, mais dont le comportement était alors considéré comme acceptable ». Deux de ses anciennes compagnes, Marie-Thérèse Walter et Jacqueline Roque, après avoir longtemps sombré dans la dépression, se sont suicidées.
Si ce comportement de Picasso, affectueusement qualifié dans les écrits de ses contemporains de « séducteur », « homme à femmes », était toléré à son époque, ce ne saurait plus être le cas aujourd’hui. L’action silencieuse des étudiantes de l’Escola Massana appelle le Musée Picasso à intégrer cette réalité dans son récit de l’artiste. Cette manifestation vise aussi à réhabiliter les femmes artistes, compagnes souvent dans l’ombre du talent de leur époux ou amant, comme Dora Maar et Françoise Gilot, peintres et muses de l’artiste dont l’œuvre est passée sous silence.
Le Musée Picasso de Barcelone a salué cette initiative, déclarant que le propre d’un musée est justement de susciter et accueillir les débats autour des œuvres et de leurs auteurs, évoquant la perspective d’une conférence sur le sujet. Mais cela n’est pas du goût de tout le monde. Maria Llopis a reçu de nombreuses menaces en ligne qui ont mené à la fermeture de son compte Instagram.
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Barcelone, un happening contre « Picasso agresseur de femmes »
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