Le Musée des beaux-Arts de Quimper se risque à une énième exposition sur les muses de l’Espagnol.
QUIMPER - Le Musée de Quimper s’attaque avec courage ou inconscience à Picasso, car l’artiste détient le record des expositions temporaires. Plus qu’un créateur, Picasso est une marque déposée, une garantie de succès public. Le revers de la médaille est la difficulté d’obtenir des prêts et le budget nécessaire pour ce genre d’opération. La chance des Beaux-Arts de Quimper est l’accord passé avec la Fondation Picasso de Malaga qui leur permet d’obtenir un lot des gravures du maître espagnol. Complété par quelques toiles, l’ensemble s’articule autour de l’éternel féminin, un thème peu original mais qui coïncide avec le mythe de Picasso, homme à femmes. Sans diviser l’œuvre en périodes en fonction de sa compagne du moment, l’exposition souligne les caractéristiques d’une Françoise Gilot (la femme fleur) ou d’une Jacqueline Roque, déclinées en série.
Picasso voyeur et jouisseur
Plus intéressantes sont les images où le peintre met en scène ses pulsions scopiques avec les dormeuses qu’il observe en toute impunité. Vieux fantasme masculin que l’artiste partage avec l’amateur d’art et consistant à « s’estimer en droit de contrôler et de posséder les corps des femmes », écrit l’historienne de l’art Linda Nochlin. Devant ces représentations, on songe à une autre série d’eaux-fortes de Picasso, « Degas au bordel » et où ce « maître du trou de serrure » (Huysmans) est installé, observant des femmes nues qui se masturbent. À la différence de Degas, le peintre espagnol ne fait pas dans la sublimation, la sensualité chez lui n’est jamais mise à distance, « tamisée », discrète. Il ne s’encombre pas d’allusions et se représente avec la démesure d’un monstre aux instincts débridés. Le geste qui enregistre est aussi celui qui s’empare, quand le peintre exhibe ses activités, artistiques et amoureuses. L’outil du dessin trace des contours avec volupté et pénètre la chair (Femme nue couchée dans un intérieur, 1961). L’acte pictural se confond avec l’acte sexuel. Cette virilité sans bornes, privilège des habitants de l’Olympe, l’artiste la trouve dans les récits mythologiques. À leur instar, Picasso se fait régisseur et acteur principal d’un univers hybride où les dieux cohabitent avec taureaux, griffons, singes et autres Minotaures (Femmes allongée avec un Minotaure, 1936). Mais le temps passe et la chair est triste. Fini, la série des nus féminins, au corps sensuel et provocant, et les représentations du peintre en maître insolent de son atelier, créateur et jouisseur. Le vieillard est assis, courbé, palette à la main, face à un modèle vêtu (La pose habillée, 1954). Picasso admet finalement que la vitalité qu’il présumait sans faille lui fait défaut. Bref, le temps désormais travaille contre lui.
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Les femmes de Picasso
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 18 août, Musée des beaux-arts, 40 place Saint-Corentin, 29000 Quimper, tél : 02 98 95 45 20, tlj 10-19h.
Légende photo
Pablo Picasso, Figure au corsage rayé, (Paris, 3 avril 1949) - Six couleurs sur pierre, gouache sur papier lithographique transféré sur zinc - © Photo Succession Picasso 2014 - Collection de la Fondation Pablo Ruiz Picasso - Museo Casa Natal - Ayuntamiento de Málaga
Pablo Picasso, Femme au corsage à fleurs (Jacqueline de profil), (Cannes, 17 décembre 1957 et 1er février 1958) - Crayon lithographique, gouache, grattoir et aiguille sur zinc - © Photo Succession Picasso 2014 - Collection de la Fondation Pablo Ruiz Picasso - Museo Casa Natal - Ayuntamiento de Málaga
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Les femmes de Picasso