VERSAILLES
VERSAILLES [13.06.16] - Le ministère de la Culture a annoncé une enquête administrative après les aveux de Bill Pallot et les soupçons pesant sur plusieurs sièges achetés par Versailles. L’expert Guillaume Dillée se retrouve en première ligne.
La révélation, par Le Journal des Arts, que Bill Pallot, de la galerie Aaron, a reconnu la fabrication d’une paire de fausses chaises, copiées d’une série commandée en 1780 par Marie Antoinette, a consterné le marché de l’art et le milieu des conservateurs.
Contrairement à l’original, conservé à Versailles, cette paire arbore une fausse marque au fer du garde meuble de la reine. Classée trésor national en 2013, elle a été vendue pour deux millions d’euros à un collectionneur de Londres par la galerie Kraemer, qui l’a reprise l’année dernière en remboursant son client. Vendredi soir, après cet aveu, Bill Pallot a été placé en détention -une mesure exceptionnelle. Laurent Kraemer a été remis en liberté sous caution. Tous deux ont été mis en examen, en compagnie d’un doreur, pour escroquerie en bande organisée et éventuel blanchiment.
Laurent Kraemer a proclamé sa bonne foi, en trouvant « honteux de voir le nom de sa famille ramené à celui d’un faussaire ». Bill Pallot de son côté a reconnu qu’un trafic de faux mobilier durait depuis des années sur une vaste échelle à Paris, même s’il n’admet qu’une une participation épisodique « par jeu ».
La ministre de la Culture a tout de suite pris ses distances avec le château de Versailles, en annonçant l’ouverture « sans délai d’une inspection administrative » portant sur l’acquisition de mobilier « entre 2008 et 2012, d’une valeur de 2,7 millions d’euros ». Autrement dit, tous les achats mis en cause par des rumeurs. Dans la foulée, Audrey Azoulay a même annoncé une révision des procédures d’acquisition, sans attendre la conclusion de l’enquête.
« Nous n’avions aucune raison de douter de ces chaises », rappelle Gérard Mabille, qui fut le conservateur du mobilier à Versailles de 2008 à 2014. Se sentant trahi par un spécialiste « qui avait gagné la confiance des conservateurs depuis trente ans », il nous a déclaré que Bill Pallot lui avait montré une des fausses chaises « des années avant qu’elle ne réapparaisse galerie Kraemer ». « Des faux de cette qualité, je n’en avais jamais vus », ajoute-t-il, en soulignant que les acquisitions relèvent d’un « travail d’équipe ». Directrice du château, Béatrix Saule approuve, en faisant observer la difficulté des examens scientifiques et de la datation des bois sur des sièges. « S’il y a eu erreur, elle est collective », enchérit Jean-Jacques Aillagon, qui fut président de Versailles de 2007 à 2011, en soulignant que ces procédures nécessitent l’approbation de trois commissions officielles. L’ancien ministre suggère l’établissement d’un comité d’« experts incontestables » pour examiner les pièces litigieuses et la diffusion de leurs conclusions. Selon ses proches, le grand conservateur du Louvre Daniel Alcouffe, qui a lui-même présenté ces chaises, entre autres, comme une importante découverte, et dont Bill Pallot a été l’élève et le protégé, est « atterré ».
Un autre des amis intimes de Bill Pallot, l’expert Guillaume Dillée se retrouve en première ligne. La galerie Kraemer nous a en effet indiqué lui avoir acheté la paire de fausses chaises « sans se douter qu’elle provenait de Bill Pallot ». Le nom de Guillaume Dillée apparaît dans d’autres transactions, dont l'achat par Versailles en 2011 à Drouot, pour 200 000 €, d’une bergère qu'il a expertisée comme provenant de la sœur cadette de Louis XVI. Contacté à plusieurs reprises à Melbourne, où il vit désormais, il s’est refusé à tout commentaire.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le monde de l’art sonné par les aveux de Bill Pallot
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €