PARIS
Deux expertises judiciaires mettent en cause les Kraemer, cette fois dans une vente d’objets XVIIIe à un acheteur privé.
Après l’affaire du faux mobilier vendu à Versailles, la maison Kraemer est à nouveau dans le radar de la justice. Cette fois cela concerne un collectionneur privé italien, Alberto Campioni. Alerté par voie de presse de la mise en examen de Laurent Kraemer en juin 2016 dans l’affaire de Versailles, ce client du marchand a de sérieux doutes concernant douze meubles et objets d’art du XVIIIe siècle acquis auprès de la galerie pour plus de 13 millions d’euros. Un an après il poursuivait la galerie devant les juridictions civiles pour obtenir réparation.
L’expert Sébastien Evain que le collectionneur avait sollicité pour s’assurer de l’authenticité des pièces avait en effet conclu que sur les douze meubles et objets acquis, sept étaient faux, notamment un bureau Boulle, un bureau rouge, une paire de bougeoirs et une paire de commode en marqueterie Boulle de Nicolas Sageot. Toujours d’après cet expert, une huitième pièce - une vitrine de Carlin comportant des plaques de porcelaine - aurait été beaucoup modifiée au XIXe siècle.
Une juge du Tribunal de grande instance de Paris a alors commandé une expertise judiciaire à deux experts, Jean-Christophe Depieds et Armand Godart-Desmarest, qui ont chacun rédigé un rapport qui s’avère être à charge contre le marchand. « Je laisse la justice avancer mais ce que je constate, c’est que cette expertise va dans le sens de mes conclusions », se réjouit Sébastien Evain.
De son côté, la galerie Kraemer a déposé une requête en récusation contre Jean-Christophe Depieds pour partialité. Une audience doit se tenir sur le sujet en septembre. « Cette demande de récusation suspend les expertises jusqu’à ce que la juge de la mise en état statue. Cet "incident d’expertise" bloque tout », explique Me Corinne Hershkovitch, avocate d’Alberto Campioni.
La juge a plusieurs options : soit elle ne récuse pas, soit elle récuse mais décide ou pas de conserver les rapports. « Pour l’instant, nous sommes dans une zone d’ombre et ne savons pas ce qu’il va se passer en septembre », précise l’avocate. Sollicité, Laurent Kraemer ne souhaite faire aucune déclaration.
Il est vrai que le marchand est empêtré dans l’affaire du faux mobilier de Versailles qui a éclaté en 2016 et révélé au grand public l’existence d’un trafic de faux meubles. Dans cette affaire - qui concerne deux ployants de Foliot, une bergère livrée pour Madame Elisabeth, une chaise de Jacob du cabinet de la Méridienne et deux chaises de Delanois pour Madame du Barry - Bill Pallot, spécialiste des sièges XVIIIe a avoué avoir fait fabriquer des faux, que la galerie aurait acquis et revendus au château. En octobre 2018, la juge d’instruction de Pontoise, Elsa Evrard a ordonné deux expertises judiciaires afin d’analyser les meubles incriminés. Elles sont toujours en cours.
Laurent Kraemer a tenu à apporter les précisions suivantes à la suite de notre article :
« Contrairement à ce qui est indiqué, les deux rapports ne concluent pas tous deux à charge et n’aboutissent pas aux mêmes conclusions. Si celui de Monsieur Depieds est négatif, celui de Monsieur Godard Desmarest est beaucoup plus nuancé.
La société KRAEMER & Cie souhaite souligner que ces rapports sont tous deux totalement contestables d’un point de vue technique, et contestés, notamment par l’expert près la Cour de Cassation qui a pu assister la Galerie KRAEMER dans cette procédure.
Elle souhaite en outre préciser qu’elle a toujours considéré pour sa part ces meubles comme authentiques.
Enfin, contrairement à ce que laisse penser le dernier paragraphe de l’article, l’ensemble des meubles cités et vendus à Versailles ne l’ont pas été par la société KRAEMER & Cie qui n’est concernée que par une paire de sièges contestée. Elle rappelle qu’elle est elle aussi victime dans cette affaire. »
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L’étau se resserre sur les Kraemer
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