BERLIN / ALLEMAGNE
Les héritiers de marchands juifs réclament à l’Allemagne un trésor médiéval conservé au Bode Museum de Berlin, qu’ils estiment avoir été vendu de force en 1935 sous la pression d’Hermann Göring, ministre de l’Intérieur et homme fort du IIIe Reich.
Le Trésor des Guelfes, ensemble de 44 reliquaires et objets liturgiques en matériaux précieux datant du XIe au XVe siècle, actuellement présenté au Bode Museum de Berlin pendant les travaux de rénovation du Musée des Arts décoratifs qui le conserve habituellement, est au cœur d’un combat juridique entre la Fondation du Patrimoine Culturel Prussien, qui gère les collections d’art berlinoises, et les héritiers de quatre marchands juifs à l’origine de la vente de ces œuvres à l’Etat nazi en 1935.
Bloomberg rapporte que l’affaire remonte à 2008, date à laquelle les héritiers de Zacharias Hackenbroch, Isaac Rosenbaum, Saemy Rosenberg et Julius Falk Goldschmidt, marchands d’art résidant à Francfort à l’origine de la vente, auraient pris connaissance de leur lien supposé avec le trésor. La Commission Limbach, un comité consultatif des affaires de réclamation du patrimoine spolié pendant l’Holocaust, vient de reporter son verdict qui devait avoir lieu le 17 septembre 2013 à cause de réclamations complémentaires provenant de deux autres bijoutiers francfortois.
Le Trésor des Guelfes, plus grand trésor ecclésiastique médiéval, provient de la cathédrale de Brunswick et avait été alimenté depuis 1671 par des ducs guelfes de lignage royal. La fin du règne des ducs avait conduit à la vente en 1929 des 82 objets du trésor à une association de marchands d’art francfortois. Dans les années suivantes, 38 pièces ont été vendues à des collectionneurs privés et à des musées américains (dont le Cleveland Museum of Art et l’Art Institute de Chicago), jusqu’en 1935 où le reste du trésor a été acheté par l’Etat prussien.
Le problème repose sur les modalités de cette vente : les héritiers des marchands juifs estiment que leurs aïeux ont été obligés de vendre les œuvres sous la pression directe d’Hermann Goering, ministre de l’Intérieur du IIIe Reich. La Fondation du Patrimoine Culturel Prussien réfute cette théorie, mais ne peut éviter la confrontation avec la loi imposée par les Alliés au sortir de la Seconde Guerre mondiale et toujours en vigueur en Allemagne aujourd’hui, selon laquelle les ventes d’arts effectuées après 1933 par les collectionneurs et marchands juifs sont reconnues susceptibles d’avoir eu lieu sous la contrainte. Selon les journalistes du Jewish Telegraphic Agency, la preuve de la spoliation nazie serait le fait que les marchands n’auraient retiré de la vente que 4,1 millions de Reichsmarks (environ 2,1 millions d’euros), alors que le trésor est estimé à plus de 200 millions d’euros.
Récemment deux nouvelles réclamations ont été émises par deux autres bijoutiers de Francfort, se disant également les héritiers d’autres marchands issus de l’association qui avait acheté le trésor dans son intégralité en 1929. Selon Bloomberg, leurs avocats ont fait savoir que leurs clients détenaient chacun 25 % du trésor, et seraient donc en droit de réclamer leur part si la Commission Limbach venait à accorder sa restitution. De ce fait, et avant de pouvoir statuer sur la légitimité des restitutions, la commission a souhaité reporter son jugement pour tenter d’établir la liste exhaustive des membres de l’association des marchands, propriétaires du trésor avant sa vente à l’Etat nazi.
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Un trésor médiéval conservé à Berlin est réclamé par les héritiers des marchands juifs à l’origine de sa vente sous le IIIe Reich
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Abonnez-vous dès 1 €Bode-Museum - dessiné par l'architecte ernst von Ihne et achevé en 1904 - Berlin - © Photo Cezary Piwowarski - 2007 - Licence CC BY-SA 3.0